Chroniques noires et partisanes

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JOLI MOIS DE MAI d’Alan Parks / Rivages Noir

May God Forgive

Traduction: Olivier Deparis

Alan Parks est un auteur de polars écossais qui a initié en 2017 un série en douze parties racontant la criminalité à Glasgow en 1974 dans les enquêtes d’un flic nommé Harry McCoy. Chaque affaire représente un mois de l’année. Commencée en 2017 avec Janvier noir, elle s’est poursuivie avec L’enfant de février, Bobby Mars forever et Les morts d’avril pour nous amener à ce Joli mois de mai dont Rivages n’a pas su bien rendre la dureté et la justesse d’un titre original May God Forgive.

« Le voile du deuil s’est abattu sur Glasgow: un salon de coiffure a été ravagé par un incendie qui fait 5 morts. Lorsque trois jeunes sont arrêtés, la foule de déchaîne. Mais sur le trajet vers la prison, le fourgon cellulaire est attaqué et les trois jeunes gens enlevés. Le corps de l’un d’eux est retrouvé le lendemain. L’inspecteur Harry McCoy n’a que peu de temps pour empêcher les deux autres de subir le même sort. »

Cinquième volet de la saga McCoy Joli mois de mai est certainement le plus réussi de la série. Depuis le début, tout en appréciant les histoires de Parks, il était impossible de ne pas le comparer à William McIlvanney et à sa série Laidlaw mettant un flic éponyme enquêtant dans les bas-fonds de Glasgow dans les années 70. Et on ne pouvait que déplorer que Parks n’avait pas encore bien su se détacher de ce lourd héritage et que ce McCoy n’était encore qu’une copie un peu pâle de Laidlaw. Et puis ce Joli mois de mai, d’un niveau bien supérieur aux précédents et nettement plus pointu dans son intrigue, permet de relativiser un peu une opinion peut-être prononcée prématurément comme parfois. J’ignore si c’est parce que l’affaire s’avère particulièrement tordue et éprouvante pour le lecteur. L’enquête est menée au comptoir, au fond des bières, de pub en pub et McCoy n’a pas trop le temps de se soucier de ses cauchemars intimes et familiaux. Il développe par contre une belle humanité quasiment insolite dans une Glasgow bien sale.

Joli mois de mai séduira les nombreux fans de Parks et pourrait aussi s’avérer être la meilleure manière d’entrer dans l’univers de l’Ecossais. Attention, ça pique un peu quand même.

Clete

Un petit truc en plus : tous ceux qui auront aimé ce roman pourront se jeter sur l’impeccable Retour de flamme de Liam McIlvanney racontant également un incendie criminel faisant des victimes innocentes commis à Glasgow en 1975…

BOBBY MARS FOREVER de Alan Parks / Rivages

Bobby Mars Will Live Forever

Traduction: Olivier Deparis

“Nous sommes toujours à Glasgow en 1973. En ce mois de juillet, Bobby March, héros local qui a réussi dans la musique, est retrouvé mort d’une overdose dans une chambre d’hôtel. Parallèlement, la jeune Alice Kelly, adolescente solitaire, a disparu. Autre disparition inquiétante, celle de la nièce du chef de McCoy qui avait de mauvaises fréquentations. McCoy est chargé d’enquêter.”

Lors de ses débuts, il y a quelques années, le Glaswégien Alan Parks, né à quelques miles de là, a décidé de se lancer dans l’histoire criminelle de sa ville en douze opus comme les mois de l’année. Le projet prend forme puisqu’après Janvier noir et L’enfant de février, deux solides réussites, débarque Bobby Mars Forever qui se déroule toujours en 73, mais en juillet.

Alors, pour les assidus de l’épopée et j’en suis, nul doute que c’est un plaisir de retrouver Harry McCoy, flic évoluant dans le milieu de la pègre et les bas-fonds de la cité écossaise où il a beaucoup d’amis très chers. On retrouve avec une certaine volupté ce cocktail détonant de gangs, came et rock qui était déjà la charpente des précédents ouvrages.

Néanmoins, est-ce de la lassitude devant un personnage qui n’évolue plus vraiment, qui s’assagit côté bibine et weed ou alors un certain ennui devant des situations déjà lues précédemment : histoires de cul sans lendemain, duels à l’arme blanche… Contrairement aux avis lus çà et là, je serai moins enthousiaste devant ce troisième volet pourtant souvent vanté comme meilleur que les précédents, peut-être en écho aveugle d’une citation du Times de la quatrième de couverture

L’intrigue est moins fluide et nettement moins prenante que d’habitude. McCoy court trop de lièvres à la fois avec des histoires qui se ressemblent trop, deux disparitions d’ados n’ayant aucun rapport dans la même histoire, deux cas d’addictions aux drogues dures dont une absolument pas crédible. On suit donc un peu démuni un McCoy dans ses déambulations, dans ses rencontres, en ayant souvent l’obligation de se concentrer pour comprendre sur laquelle des trois histoires en cours, il mène ses investigations. 

Par ailleurs, Alan Parks, a voulu y ajouter des éléments de culture rock en contant la triste fin d’un guitariste imaginaire Bobby Mars qui aurait dû devenir une légende et aurait même entrevu une carrière au sein des Rolling Stones. Cette histoire est tellement classique, banalement rabâchée pour ceux qui goûtent un tant soit peu le »Great Rockn’Roll Swindle “ des années 70 qu’elle n’apporte pas grand-chose à la connaissance des maux qui brûlent les ailes et le cerveau des rock stars. Loser pitoyable, ce malheureux Bobby Mars, déjà trentenaire, n’aura même pas la chance de faire partie avec Jim Morrison, Janis Joplin, Jimi Hendrix, Brian Jones, Kurt Cobain ou Amy Whitehouse du “Forever 27 club” des artistes disparus à l’âge de 27 ans.

Bref, ce roman, s’il reste prenant et solide, n’est pas à tomber non plus, même s’il conservera sans doute un grand pouvoir de séduction pour les nouveaux lecteurs de l’auteur. On a pu lire que Alan Parks marchait dans les pas de William Mcilvanney dont le héros Laidlaw explorait aussi les bas-fonds de Glasgow à la même époque. Souhaitons-lui donc beaucoup de chance et de travail pour arriver à l’atteindre…

Déception… vivement le mois d’avril de McCoy.

Clete.

PS: Signalons une très pertinente couverture signée Raymond Depardon.

L’ENFANT DE FÉVRIER d’Alan Parks / Rivages.

February’s Son.

Traduction: Olivier Deparis.

Alan Parks a décidé de consacrer un cycle de douze romans comme les mois de l’année à des histoires criminelles mettant en scène sa ville de Glasgow. Après “Janvier Noir” paru en 2018, est sorti en début d’année “L’enfant de février” qui reprend l’histoire de l’inspecteur McCoy juste après le dénouement tumultueux du premier épisode, c’est à dire au tout début des années 70.

Dans une ville éternellement divisée par la grande rivalité entre les deux grands clubs de football locaux le Celtic et les Rangers, un jeune joueur prometteur du club au maillot universellement connu rayé vert et blanc est sauvagement assassiné. McCoy, dangereusement bordeline pour un flic et surtout pour l’époque, est chargé de l’enquête. Toujours aussi addict à diverses substances, de plus en plus hanté par une tragédie vécue dans son enfance, le jeune flic déglingué, aux amitiés dangereuses, s’aperçoit très vite que l’affaire va émouvoir dans des sphères bien plus étendues que le monde du football. Le disparu était en passe de devenir le gendre d’un baron de la criminalité qui le voyait comme le fils qu’il n’avait pas eu. Les soupçons se portent de suite sur l’un des bras armés du truand, qui a disparu mais qui va vite donner d’autres preuves physiques de sa folie meurtrière.

On peut dire raisonnablement qu’Alan parks a trouvé la bonne formule et que le lecteur qui a aimé le premier roman le retrouvera avec le plaisir rassurant d’un second opus assez conforme au premier, la surprise de la découverte en moins néanmoins. Glasgow est nettement moins présente que dans « Janvier Noir » et c’est McCoy qui occupe maintenant le devant de la scène avec ses collègues mais néanmoins de manière moins réjouissante et aboutie que chez ses collègues britanniques Bill James et John Harvey.

C’est du costaud, carré, ça fait vraiment bien le taf sans quand même l’aboutissement dans le genre qu’offrent les auteurs précités. On pourra néanmoins reprocher à l’auteur des personnages féminins bien pâles, un peu trop juste décoratifs et une accumulation de dialogues qui ralentissent la progression et rendent le roman parfois un peu bavard. Un polar d’homme pour les hommes…

Clete.

JANVIER NOIR d’ Alan Parks / Rivages.

Traduction: Olivier Deparis.

« Le regard du gamin se fixa soudain, comme s’il venait seulement de remarquer sa présence. Son bras pivota dans sa direction, le pistolet se braqua droit sur sa tête. McCoy se figea tandis que le gamin affinait sa visée. Une détonation sèche retentit. Une nuée de moineaux s’envola du toit et la foule paniqua pour de bon. »

Avec Alan Parks, Rivages a sûrement touché le gros lot. Auteur d’un premier roman remarquable, le romancier écossais a l’intention de raconter une histoire criminelle de Glasgow en douze volumes, si j’ai bien lu, et à la fin de ce premier opus particulièrement attractif sur de nombreux points, on ne peut que l’encourager dans sa quête.

« Dans l’un des secteurs les plus passants de Glasgow, devant la gare routière, un garçon d’à peine vingt ans ouvre le feu sur l’inspecteur McCoy et sur une jeune femme, avant de retourner l’arme contre lui. La scène se déroule sous les yeux de Wattie, l’adjoint de McCoy. Qui est ce mystérieux garçon ? Quel est le mobile de son acte ? C’est ce que les deux policiers vont s’efforcer de découvrir, malgré l’opposition de leurs supérieurs. »

L’action se déroule en 1973 et la parenté avec le regretté William McIlvanney qui a si bien écrit sur Glasgow dans l’impeccable série policière Laidlaw, n’est absolument pas usurpée. Peut- être un peu moins peut-être que chez son illustre prédécesseur, Glasgow reste néanmoins un personnage important du roman. Une ville en pleine déliquescence , rongée par la baisse de l’activité économique et par une criminalité bien organisée, ayant quasiment pignon sur rue, arrosant une police corrompue et se lançant dans le trafic d’héroïne tout en en méprisant les victimes de ce poison. Glasgow, la déglinguée…

Mais la grande star, c’est Harry McCoy, un flic abordant la trentaine et jeune inspecteur après de nombreuses années à arpenter le pavé de la ville. Quand on crée un personnage amené à durer, la difficulté provient de la capacité de donner envie au lecteur de retrouver ce personnage, d’arriver à laisser des éléments de l’histoire du personnage en suspens, de parvenir à rendre son héros attractif. Alan Parks n’a pas pu éviter certains clichés qu’on rencontre chez les flics de papier: des zones d’ombre dans l’histoire de McCoy, un adjoint novice, un chef particulièrement irascible, une copine toxico et prostituée, des amitiés sulfureuses, des addictions. Mais d’un autre côté, un flic lisse, quel intérêt… et là, le saupoudrage est tout à fait acceptable. On peut aisément rapprocher McCoy de l’Irlandais Jack Taylor de Ken Bruen pour cette propension à prendre des coups et de toujours avancer mais aussi à faire des mauvais choix avec un raisonnement perturbé par des substances prohibées ingurgitées en masse.

Commencée le premier janvier par une visite en prison, dans une atmosphère blafarde de chutes de neige qui dégueulassent la ville, l’enquête se déroule sur une dizaine de jours. Entamé par une scène forte, le roman ne perdra jamais ce rythme trépidant. McCoy va fouiller toutes les couches de la société glaswegienne: des toxicos, prostituées, barons du crime, SDF, à la haute bourgeoisie en effleurant la noblesse. C’est rude, violent, carré, pas un instant pour souffler. A la manière des enquêtes de Robicheaux de Burke, à un certain moment, quand il s’ intéresse à une famille de nantis, on comprend qu’il a touché aubut mais on devine aussi qu’il aura bien du mal à envoyer les coupables devant un tribunal.

McCoy est obstiné, déterminé, et dans cette atmosphère très sombre saturée de perversité et tapissée de testostérone, le souffle d’humanité qu’il apporte, contribue à garder une certaine confiance en l’homme.

Must have !

Wollanup.

 

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