Traduction : Jean Esch.

Ace Atkins a d’abord été journaliste, il a été nominé pour le prix Pulitzer pour une série d’articles sur des enquêtes criminelles et s’est lancé ensuite dans l’écriture de romans policiers. Il vit dans une petite ville du Mississipi non loin de celle où se déroule « les cris du Mississipi », deuxième opus d’une série de livres mettant en scène le shérif Quinn Colson (le 5ème paraît cette année aux Etats-Unis, bonne nouvelle pour ceux qui, comme moi, tomberont sous le charme !).

« Quinn Colson, ranger vétéran d’Irak et d’Afghanistan, est le nouveau shérif du comté de Tibbehah, dans le nord du Mississippi. Il est chargé d’enquêter sur un cas de maltraitance d’enfant. Quand il arrive sur la propriété de Janet et Ramón Torres, les tuteurs, il découvre une scène qui dépasse l’entendement : une horde de chiens galeux attachés dans des cages souillées, treize couffins vides, des tas de détritus qui jonchent le sol de la maison décrépie, et surtout une boîte en carton pleine de dollars. Il est sûr que les Torres vont revenir pour récupérer leur trésor.
Pendant ce temps-là, la sœur de Colson est rentrée au bercail, sobre et clean – d’après elle. Quant à son meilleur ami, Boom, le vétéran qui a laissé un bras à Fallujah, il s’abîme dans l’alcool et les bagarres pour oublier la guerre. Mais Quinn a d’autres chats à fouetter. Son second, Lillie Virgil, et lui-même subodorent que le couple Torres a un goût particulier pour les trafics en tout genre : armes, drogues, enfants. Il semble qu’il y ait un lien entre eux et un cartel de la drogue qui contrôle le plus gros de la frontière texane. »

Nul besoin d’avoir lu le premier de la série pour comprendre celui-là,  par contre si on se prend de tendresse pour ce shérif au grand cœur, on aura envie de vivre son « Retour à Jéricho ».

L’intérêt principal du livre est de nous plonger dans l’atmosphère de cette petite ville du Sud profond. Dans ce comté pauvre, peu de perspectives de carrières, l’armée est un débouché naturel pour les pauvres et Quinn Colson n’est pas le seul vétéran du coin. Beaucoup de ses amis d’enfance sont partis aussi et les vétérans d’Irak et d’Afghanistan ont succédé aux vétérans du Vietnam… La guerre les a tous marqués, ils réagissent de manière différente : Quinn, que l’armée a détourné de la délinquance mais qui a parfois envie de rendre une justice expéditive à la mode du far-west, Boom qui ne veut que boire pour oublier et dormir, éventuellement se battre et Donnie qui en a profité pour faire des affaires illégales, forcément illégales… mais pas de pages torturées sur les horreurs de la guerre à la Burke, Ace Atkins insère ces données dans le quotidien, la guerre et ses dégâts semblent faire partie de la vie de ces gens depuis toujours !

La pauvreté avec les trafics et la violence qui en découlent, la corruption des élites locales, l’importance des églises, le poids du qu’en dira-t-on, les traumatismes de l’enfance… ces thèmes sont traités par le biais des personnages : certains s’en servent, d’autres y sont résignés, d’autres encore se battent contre.

Tous se connaissent : amis d’enfance, ils ont fait ensemble les conneries qu’on ne manque pas de faire quand on est ado dans une petite ville où il ne se passe pas grand-chose…  et cela compte! Puis ils ont suivi leur chemin… de part et d’autre de la loi… Les interrogatoires se font parfois au comptoir du bar, les arrestations sont parfois repoussées à la prochaine fois…

Et puis il y a les fédéraux qui débarquent et veulent tout régenter, à la manière des envahisseurs. On ne peut pas transiger avec eux, mais cela heurte tout de même les valeurs des Rednecks qui aimeraient faire régner l’ordre à leur manière…

L’enquête est de facture classique et ce n’est pas la première fois que je lis que les cartels mexicains élargissent leur territoire depuis Katrina et s’implantent sur les terres rurales du Sud voisines de la Louisiane. Ace Atkins est un conteur, il ne nous met pas dans la tête d’un personnage, il raconte, et il raconte bien. On s’attache à ses personnages, on ressent l’atmosphère de Jericho avec la misère, l’ennui et l’étouffement qui peuvent y régner mais aussi l’attachement à cette terre.

Un bon polar mais surtout une belle description de la vie d’une petite ville du Sud déshéritée.

Raccoon