Traduction : Philippe Loubat-Delranc
Thomas H. Cook est un grand du roman noir américain. Né dans l’Alabama en 1947. Il a enseigné l’histoire, été secrétaire de rédaction dans un magazine avant de se mettre à écrire. Il a écrit plus de vingt romans, à l’atmosphère sombre où se mêlent souvent des éléments d’histoire et toujours une psychologie très fine des personnages et un style magnifique. C’est le maître des lourds secrets qui, révélés, nous touchent énormément car ils viennent toujours des profondeurs de l’esprit humain les plus noires. « Sur les hauteurs du Mont Crève-Cœur » est un roman de 1995, inédit jusqu’alors en France et c’est un immense bonheur de retrouver cet auteur !
« « Qu’allait faire Kelli sur le mont Crève-Cœur ce jour-là ? Qu’allait-elle chercher, seule dans la profondeur de ces bois ? »
Trente ans après le drame, Ben demeure obsédé par l’image du corps de Kelli tel qu’il a été découvert sur la hauteur de ce mont où, jadis, l’on organisait une course de Noirs avant les enchères du marché aux esclaves.
Dans un de ces flash-back troublants que Thomas H. Cook maîtrise à merveille, le lecteur revisite avec Ben, ancien condisciple de la victime devenu médecin de campagne, les événements qui ont bouleversé la petite communauté blanche et conservatrice de Choctaw, Alabama, au mois de mai 1962.
Le meilleur ami de Ben le soupçonne toujours d’en savoir plus qu’il ne l’admet sur l’agression de la jeune beauté venue de Baltimore : Kelli a-t-elle été tuée parce que Todd, le bourreau des cœurs local, avait plaqué sa petite amie pour elle ou parce qu’elle soutenait la cause des Noirs dans le journal du lycée ? »
Le théâtre de ce roman est une petite ville d’Alabama, Choctaw, où tout le monde se connaît et d’où peu s’échappent. C’est pourtant ce que Ben, lycéen en 1962, rêve de faire. Thomas H. Cook décrit l’atmosphère étouffante de cette petite ville du Sud, calme mais où tout semble en suspens en cette période de lutte pour les droits civiques. La ville a d’ailleurs un passé très violent comme Ben le découvre grâce à Kelli qui arrive du Nord, se passionne pour l’histoire locale et n’a pas les tabous du Sud ancrés dans la tête.
C’est Ben le narrateur. Il est hanté par la mort de Kelli, il nous livre ses souvenirs, ses pensées, ses rêves même, sans repère chronologique. Tout à son obsession, son esprit tourbillonne. Il s’interroge sans cesse sur les origines du mal, il sait que celui-cil ne s’arrête jamais et il n’en finit pas de revivre le passé. On comprend vite qu’il a un secret inavouable, mais Thomas H. Cook construit son histoire avec une habileté époustouflante, non seulement il ne nous perd pas en route mais il ne dévoile rien avant la toute fin.
De surcroît il réussit à mêler à l’histoire de Kelli celle de la ville et d’autres destins individuels, tous poignants. Car il n’y a pas que Ben et Kelli dans cette histoire mais toute une série de personnages, habitants de cette petite ville dont les vies sont mêlées au drame. Tous sont bien campés, terriblement humains. C’est ce qui rend le bouquin si puissant ; ce qui leur arrive nous atteint, nous bouleverse, on le comprend si bien ! « Chaque lieu renferme le monde entier… », dans ce petit coin d’Alabama se déroule la tragédie universelle des humains, impuissants face à la passion et au Mal…
« Au-dessus de nos têtes, le ciel demeure inchangé, les étoiles comme autant de pinces à linge argentées fixées dans les ténèbres, les planètes tournant sur elles-mêmes dans les fers de leurs anneaux, pour elles le don de la fixité, pour nous celui du mouvement, elles sans volonté, nous sans direction. »
Et en plus le style est sublime !
Une belle histoire, sombre mais si humaine ! Magnifique !
Raccoon
En lien la chronique de Claude d’action suspense :
http://www.action-suspense.com/2016/08/thomas-h-cook-sur-les-hauteurs-du-mont-creve-coeur-ed-seuil-2016.html
Merci pour le lien.
Oui, ça fait vraiment du bien de lire un écrivain tel que Thomas H.Cook. Non seulement on n’est jamais déçus, mais il sait si bien jouer entre dits et non-dits, passé et présent, etc.! Un auteur d’une sacrée subtilité.
C’est vrai ! Un de nos grands favoris communs !
C’est vraiment étonnant que ce roman n’ait pas été traduit plus tôt.
Amitiés.