Il y a quelques mois encore, un mien camarade sur ce site écrivait : « Marion Chemin s’impose depuis une décennie en figure cash et incontournable de la nouvelle féminine, sucrée-salée, toute en mots doux et maux durs. » On ne peut en aucune manière le désavouer alors que paraît un nouveau (court) roman de l’autrice, prise apparemment ces derniers mois d’une frénésie (électrique forcément) de production. 

Sur les hauteurs du Havre, on s’affaire à préparer la fête d’anniversaire de Fred Stanis. un réalisateur de cinéma vieillissant. Sous les yeux d’un couple d’intermittents venus animer la soirée, Pomme, la fille de la maison, décide de gâcher la fête à sa manière. Sugar Daddy, c’est l’histoire d’une rencontre douloureuse entre deux mondes qui s’attirent sans se le dire.

Marion Chemin a une prédilection pour les histoires de familles, de couples, où, même enfouies, les blessures restent vives. La loi d’airain de son univers : une femme, un homme, ça abîme et ça s’abîme. Ce soir-là, c’était donc son soixante-treizième anniversaire et nous étions seuls. Le père, la fille et la haine. Marion Chemin a le talent également pour définir ses personnages féminins avec une rage et une tendresse décapantes. Et elle est lucide pour savoir que la sororité peut être aussi illusoire que la fraternité, spécialement quand elle doit dépasser les barrières sociales.

Sur les hauteurs du Havre, donc, une fille à son père et tout n’est pas sucre. Boursouflée par sa propre mésestime, enveloppée dans un corps disgrâcieux, Pomme a la haine. Mais ce soir-là, elle entend être reine. Son sale con de daron va morfler. Il prépare un raout aussi vain et fatigué que sa personne. Il vient de sortir son dernier film pourri mais encensé. Un réal français, quoi. Pomme veut tout faire péter, quitte à endosser une autre robe que celle qu’elle accepte de porter depuis toujours, la résignation. A-t-elle un plan ? Ce n’est pas certain. Des événements et la participation à la soirée d’un couple d’intermittents, Lucie et Gilles, lui en donneront l’occasion. Lucie se pose en positif prudent de Pomme. Pas accablée mais parfois miraculée. Pas défaitiste mais parfois défaite. Pas hideuse mais parfois rendue jolie par la chance, l’espoir ou le désir. Elle se croit à l’abri, elle a rencontré un homme, le sien. Elle construit sa vie, elle. Elle en une. Elle peut donc tout en perdre… Avec ses formules acides ou ses coups de griffes souriants, Marion Chemin nous raconte encore une fois que la famille, le couple, n’est pas le havre d’un bonheur idéalisé. Quand il y a une Pomme blette, c’est forcé, le reste du lot pourrit aussi, fille ou garçon. 

Un texte qui n’épargne pas les filles et les femmes, non plus que les papas et les gars. 

Paotrsaout