Traduction : Lori Saint-Martin et Paul Gagné.
Mordecai Richler, écrivain canadien anglophone né à Montréal en 1931 et mort en 2001 a été un auteur prolifique. Son goût de la satire et de la provocation a parfois fait scandale au Québec. Les éditions du Boréal au Québec se sont attelées à la retraduction de ses romans car apparemment celles qui existaient ne leur rendaient pas hommage. C’est cette nouvelle traduction, primée au Québec, que nous proposent les éditions du sous-sol et cela permet de découvrir cet auteur hors norme.
« Moses Berger est encore enfant quand il entend pour la première fois le nom de Solomon Gursky. Ce personnage énigmatique deviendra bientôt pour lui une obsession qui l’incitera à mener une vaste enquête aux quatre coins du monde. Toute sa vie sera consacrée à démêler le vrai du faux dans l’histoire d’une famille aux origines drapées de mystère.
Nous entraînant dans les bas-fonds londoniens du XIXe siècle, en Arctique avec l’expédition de Franklin en 1845, jusqu’en Amérique pendant la prohibition, des paysages vallonnés des Cantons-de-L’Est d’hier et d’aujourd’hui aux hauteurs de Westmount et ruelles du Mile End, Solomon Gursky est un roman puissant qui captive et terrasse par sa verve et son humour mordant.
Dans cette traversée épique et hilarante, il est autant question d’Inuits convertis au judaïsme, de la Longue Marche de Mao, d’âmes échouées au passage du Nord-Ouest, des bars jazz de Montréal, que d’un corbeau maléfique tournoyant au-dessus de six générations de Gursky. »
Dans ce roman, Mordecai Richler nous offre la gigantesque histoire, sur plus d’un siècle, d’une famille d’immigrés juifs, les Gursky. Il mêle cette saga familiale à l’histoire du Canada, brodant la fiction sur la réalité à la manière des mythes et obtient une épopée surprenante et drôle.
Il construit son récit sans suivre la chronologie et il y a énormément de personnages, forcément ! Au départ, on est un peu perdu dans ce foisonnement mais l’auteur est brillant, on a des repères au fur et à mesure que l’histoire se met en place et on le lit finalement facilement. C’est une histoire mouvementée, racontée avec une verve truculente et des personnages hauts en couleur : Moses, le journaliste fasciné par cette famille dont l’enquête va servir de lien entre les différents éléments, est un alcoolique patenté ; les Gursky ont tous un grain, chacun dans un style différent et les personnages secondaires ne sont pas en reste !
Chez les Gursky, deux personnages sont devenus légendaires, Ephraïm et Solomon. Ephraïm l’aïeul par qui la conquête du Canada a commencé, seul survivant de l’expédition Franklin partie à la recherche du passage du Nord- Ouest en 1845 grâce à son régime casher…
Solomon le petit-fils qui, avec des trafics en tout genre, va faire décoller la fortune familiale pendant la prohibition… Ces deux personnages sont animés d’une énergie extraordinaire, rabelaisienne. Après des débuts misérables, ils ont une grande soif de vivre et ne sont ni étouffés par les scrupules, ni impressionnés par le moindre dogme. Rien ne leur fait peur : ils transgressent les lois, utilisent à leur profit la religion et les superstitions, escroquent sans vergogne les crédules. Des escrocs flamboyants ! Ils se créent dans le même temps une fortune et une légende.
Cette légende sera bien sûr revue et corrigée, la vérité parfois bien verrouillée par des descendants désireux de s’intégrer dans la bonne société et d’oublier leurs débuts peu glorieux… Mordecai Richler s’attaque ainsi à bien des hypocrisies, des intolérances qui existent ou ont existé dans la société canadienne. Il a un grand talent pour mettre en scène et révéler les travers des grands bourgeois, des nouveaux riches, des immigrés juifs, des prêtres, pasteurs ou rabbins, des intellectuels… nul n’échappe à son humour ravageur, et s’il y a quelques longueurs dans ce roman très dense, certains passages sont vraiment drôles.
Un roman picaresque à découvrir.
Raccoon
Une épopée familiale qui tient la route et qui en effet a dû faire grincer des dents au Québec. On ne s’y perd pas c’est vrai malgré le foisonnement, et il y a un arbre généalogique au début (même si je ne m’en suis rendu compte qu’à la fin…).
C’est étonnant un Québecois qui écrit en anglais.Foisonnement,c’est juste!