Traduction: Cyril Gay.
Mario Mendoza a rencontré Campo Elias Delgado à l’université de lettres de Bogota. Ce dernier est venu vers lui afin d’obtenir de la documentation sur le thème de son travail de recherche : le double dans la personnalité.
Dans Satanas, Mendoza reprend ce thème pour raconter de façon romancée les derniers mois de l’assassin du Pozzetto.
L’histoire tourne autour de quatre personnages : Maria, jeune orpheline qui pour se sortir de l’extrême pauvreté dans laquelle elle vit, accepte d’aider deux jeunes hommes à dépouiller des bourgeois de Bogota ; Andres, peintre renommé, expert en portrait, qui se met à peindre de façon prophétique les maladies de ses modèles ; Ernesto, prêtre aimé et reconnu de son quartier, qui souffre de la perte de sa foi ; Campo Elias, vétéran du Vietnam, professeur particulier d’anglais, qui ne supporte pas son retour à la vie civile.
Les histoires de ces personnages s’entrecoupent, avec un fil conducteur : leur vie à Bogota. Ils vivent dans la misère ou bien, la côtoie de près, ils sont victimes d’injustices, leur statut social ne leur permet pas de se sortir de leur quartier, de leur milieu, ils sont seuls. Ce livre montre la difficulté de chacun pour survivre dans une ville qui ne leur apporte plus rien : pas de travail, pas de véritables amis, pas d’éducation, et une extrême violence. Ils mènent tous une vie en façade mais ils sont habités par un double, « une combinaison de deux identités (…), des jumeaux bipolaires ».
Chaque personne a plusieurs identités en elle-même, qui luttent pour prendre l’ascendant. Souvent, elles ne sont que deux : une représentant le bien, la personnalité que l’on montre en premier, que l’on essaie de faire ressortir, la seconde représentant le mal, notre côté obscur.
Tout le monde doit faire face quand ce côté malsain fait irruption et essaie de prendre toute la place en écrasant la première identité. Certains essaient de rebondir, de changer de vie. Le lien avec la religion catholique est le fil conducteur du livre au travers de l’histoire de l’ange déchu : doit-on assister au triomphe de Satan quand « l’angoisse et la désolation auront raison de tout espoir ». Mais certains ne veulent pas sombrer dans la barbarie, ils luttent pour reprendre pied, en espérant que cela ne soit pas trop tard. D’autres, à l’instar de Campo Elias, ne peuvent plus rien faire, cette part d’ombre a pris trop de place dans leur vie, le destin en a décidé autrement. Le destin ? Oui il est plus facile de se convaincre que cette face abjecte de notre personnalité qui prend le dessus n’est pas de notre ressort, il s’agit plus certainement d’une puissance supérieure qui nous dicte ce que l’on doit faire, même si c’est une monstruosité.
Le roman est court, bien écrit, il monte crescendo jusqu’au dénouement final. Quand on sait que ce livre est tiré d’une histoire vraie, ce que j’ai découvert à la fin du livre, tout en devient glaçant. Mais ne passez pas à côté, la dualité entre le bien et le mal est très bien démontrée et fait tout l’intérêt de ce livre.
Marie-Laure.
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