Traduction: Myriam Dartois-Ako.
« Un soir de pluie, un étudiant découvre le corps d’un homme sous un pont. Près de lui repose l’arme qui l’a tué. Ou avec qui il s’est donné la mort. Un Lawman MK III 357 MAGNUM CTG.
Cette rencontre submerge l’étudiant d’une joie si intense qu’il lui semble que son cœur va se déchirer en deux. Ce revolver d’une beauté magnétique va le révéler à lui-même. Faire surgir à la lumière les zones d’ombre de son enfance, ouvrir un monde enclos en lui, l’emmener vers un ailleurs.
Comment résister à l’appel d’un instrument conçu pour ôter la vie, fabriqué de sorte à faciliter ce geste, dont la pureté des formes répond au besoin de faire feu et tuer ? »
On a beaucoup aimé le dernier roman de Nakamura Fuminori « L’ hiver dernier, je me suis séparé de toi. » et comme les Editions Picquier, grand spécialiste de la littérature nippone, ont eu la gentillesse de nous envoyer le précédent, on retourne dans l’étrange univers d’un auteur très original de la littérature policière. Je ne peux pas dire que le pays du soleil levant soit ma tasse de thé, aussi on ne pourra pas me taxer de subjectivité.
Alors avant toute chose, ce n’est pas une lecture estivale, on ne nage pas dans l’euphorie ou la franche rigolade. Très loin de la « feel good » littérature, « Revolver » n’est pas le genre de roman qu’on lit les fesses dans l’eau aux Trois Ilets ou sous la tonnelle, sur les bords de l’Hudson à Tarrytown ou alors uniquement si vous avez envie de vous flageller pour avoir autant de chance. Le roman commence dans une atmosphère glauque et très humide à Tokyo avec l’image d’un type la tête fracassée par un impact de balle et tout l’histoire évoluera dans un même climat d’inquiétude et d’incertitude, oppressant et troublant.
Nakamura Funimori (obligé de l’écrire en entier, je ne sais pas lequel des deux est le nom de famille) est certainement un grand admirateur de Camus car dès les premières pages vous verrez la similitude avec « l’étranger ». On peut aussi comparer « revolver » à l’effroyable « Natural Enemies » de Julius Horwitz pour la tension, pour l’inéluctabilité d’un acte franchement évitable mais qui a toutes les chances de déclencher le chaos et en même temps (expression à cultiver car proche du pouvoir) y voir de grosses différences car ici, l’auteur ne crée aucune empathie, c’est sec, très sec.
Suspense psychologique de qualité, « Revolver » suit l’étrange relation de passion puis d’amour entre l’étudiant et le flingue. Petit à petit le monde ordinaire d’un jeune type très ordinaire va se transformer, s’effondrer pour ouvrir sur un autre monde où on idolâtre l’arme, ce qu’elle représente de pouvoir, de puissance, d’apaisement des peurs, un autre univers où le lecteur se prépare à un pire qui pourrait pourtant être évité.
Ne vous fiez pas à la couverture au look manga, (on dirait une couv Folio Junior), une autre avec un Lawman MK III 357 MAGNUM aurait sûrement plus attiré le badaud… et savourez cette histoire éprouvante qui est aussi un beau plaidoyer pour la limitation des armes.
« Une arme à feu est un instrument fabriqué par l’homme qui, à l’évidence, possède une finalité et, en forçant le trait, une philosophie et une pensée. Un instrument de musique sert à produire des sons, un briquet est conçu pour émettre facilement une flamme. Un revolver sert à tirer sur les gens, et il est conçu pour les tuer facilement. »
Crispant.
Wollanup.
Pour une fois, un roman que j’ai lu et franchement aimé. De quoi même me prendre pour l’inspecteur Harry avec son LAWMAN MK III 357 MAGNUM CTG. Parce que finalement avec ce roman, je voyais le Clint qui sommeillait en moi 😉 Et avec ce revolver, j’avais acquis un nouveau pouvoir, le pouvoir même faisait partie de moi.
« J’ai écrasé ma cigarette et me suis dirigé vers la cuisine où la fille était en train de préparer la café. Je l’ai enlacée par derrière et, en m’appliquant à faire preuve de muflerie, je lui ai peloté les seins tout en l’embrassant dans le cou. J’ai agi ainsi afin qu’elle me prenne pour un sale type intéressé uniquement par le cul mais à la réflexion, c’est bien ce que j’étais, ça m’a fait sourire. «
Oui, un bon roman.