Bleecker and Bowery
Traduction : Adélaïde Pralon
New York, fin des années 70. La ville est sale, les immeubles délabrés, et il ne fait pas bon s’y promener seul après minuit, mais elle bouillonne de créativité. Les cinémas d’art et d’essai pullulent, les films au casting majoritairement noir connaissent leur âge d’or, et tous les espoirs d’une mixité harmonieuse semblent permis. C’est là que Paul, alias Pablo, fils d’un marchand de boutons juif, rêve de lancer sa carrière de cinéaste. Et que Jay Gladstone, promis à un avenir tout tracé dans l’immobilier, ambitionne de produire son premier long-métrage. Dans le rôle principal, Avery, comédienne afro-américaine qui voudrait devenir une star du grand écran. Un projet aussi ambitieux que fou, porté par l’enthousiasme de la jeunesse, qui pourrait bien rencontrer quelques obstacles…
Pour Plan américain, son sixième roman publié chez Liana Levi, l’américain Seth Greenland a fait le choix délibéré de ne pas le présenter aux éditeurs américains et de le sortir directement en France, celui-ci laissant entendre que son contenu est trop dérangeant dans le contexte actuel qui ne permettrait plus aux auteurs de pouvoir écrire sur ce qu’ils veulent, notamment pour un blanc de créer des personnages noirs (voir interview de L’Express). Si c’est pour ma part mon premier livre de l’auteur, les lecteurs familiers de son œuvre retrouveront ici des personnages de Mécanique de la chute, le précédent roman de Seth Greenland, les deux romans pouvant néanmoins être lus indépendamment.
Bienvenue à New York, quelques années avant l’arrivée de Ronald Reagan au pouvoir, aux côtés du jeune Paul Schwartzman encore pétri d’idéaux et d’illusions. Il rêve de cinéma mais produit essentiellement des chroniques pour une revue porno. C’est qu’il faut bien payer les factures en attendant des jours meilleurs. A l’époque qui est la sienne, la ville encore violente et chaotique est en plein bouillonnement culturel. La blaxploitation, genre de films au casting afro-américain, a le vent en poupe, et la culture punk se répand elle aussi. Que de stimulus créatifs pour Paul qui ne sait pas encore trop où il va. Sa petite amie du moment, Kit, avec qui il se mariera pour lui éviter d’être renvoyée dans son pays par l’immigration à la fin de son visa étudiant, le pousse à écrire un scénario dans lequel elle pourrait tenir un rôle important plutôt que de tourner pour de petits films étudiants. Alors que Paul s’y affaire, sa route croise celle de Jay Gladstone, un ancien ami aujourd’hui dans l’immobilier. Cette amitié retrouvée va bousculer le quotidien de Paul quand Jay lui annonce sa volonté de produire un film dont Paul serait le scénariste. Un scénario qui va évoluer et pousser Paul à s’engager, non seulement dans l’écriture de celui-ci, mais aussi dans sa réalisation. C’est une aventure enivrante qui débute mais qui va connaître son lot de péripéties.
Avec Plan américain, Seth Greenland nous plonge, non sans humour, dans le New-York de sa jeunesse. Une plongée particulièrement riche et immersive tant il maîtrise son sujet. Le décor est parfaitement posé et ses personnages finement construits. Tout est très réaliste. On se délecte de son roman rien que pour le voyage qu’il nous permet de vivre. Au cœur de son roman se trouve notamment le sujet des relations raciales aux Etats-Unis qui reste encore pleinement d’actualité aujourd’hui.
Si on aime apparemment à dire que Seth Greenland est le digne héritier de Philip Roth, je vous laisse juge de cela, il est indéniablement un excellent écrivain. Plan américain est un roman d’initiation perspicace et intimement new-yorkais dont on ne peut qu’apprécier la lecture. Il ferait sans nul doute un très bon film
Brother Jo.
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