Traduction: Nicolas Richard.

Nitro Mountain, premier roman de Lee Clay Johnson, Américain originaire de Nashville, est un bouquin qui devrait beaucoup plaire à un certain public qui se pâme à chaque sortie d’un Néo-noir de chez Gallmeister, même pour les plus quelconques, les plus clichés. Avec l’étiquette à la mode, certainement que ce roman connaîtrait un vrai succès mais là, il sort chez Fayard qui semble, comme d’autres, se lancer dans ce type de polars et romans noirs ricains mettant en scène les inévitables parias blancs dans leurs magouilles plus ou moins crapuleuses et on peut se demander s’il n’arrivera pas un peu après la bataille. Bref, « Nitro Mountain » est bien dans la mouvance et il est très agréable à lire dans le genre malgré des maladresses et des imperfections bien rattrapées par une ambiance très agréable où l’extrême noirceur et la perversion qui y sont parfois racontées sont un peu adoucies par l’évocation du quotidien de musiciens malheureux.

« Dans une ancienne région minière des Appalaches ravagée par la pauvreté, l’ombre de Nitro Mountain s’étend sur la cohorte de laissés pour compte, junkies, piliers de comptoir, vauriens et marginaux sublimes qui y vivent. Jones, un musicien bluegrass qui se donne avec son groupe dans des bars glauques, prend sous son aile Leon, un jeune homme paumé qui ne se remet pas de sa rupture avec la séduisante, torturée et bouleversante Jennifer. Celle-ci a eu la mauvaise idée de tomber sous la coupe d’Arnett, un truand psychopathe aussi terrifiant que fascinant, reconnaissable au tatouage Daffy Duck qu’il porte au cou. Quand Turner, ex-flic cinglé à la gâchette facile qui a troqué son arme de service pour une arbalète, se met en tête d’arrêter Arnett, suspecté de meurtre, afin de regagner son insigne, les choses ont déjà commencé à tourner à l’aigre. »

La quatrième de couverture vous donne l’impression d’avoir déjà lu ce bouquin ? Vous l’avez déjà lu sans conteste mais pas dans la version de Lee Clay Johnson qui le place dans l’univers des bars où on joue du bluegrass et où on se bourre la gueule en écoutant de la country. Elmore Leonard avait dit à peu près et beaucoup mieux que moi que si vous écoutiez une chanson country à l’envers, votre chien n’était plus mort, votre voiture n’était plus en panne, vous n’aviez plus perdu votre boulot et votre femme n’était plus partie… Lee Clay Johnson a grandi dans une famille de musiciens de bluegrass et dès la naissance, il a dû baigner dans l’ambiance et il connait la chanson, peut-être un peu trop dans un début de roman qui peut faire craindre le pire parce que si on change juste un chien mort par un bras cassé, tout le reste arrive en un temps record à notre infortuné Leon en début de roman. Leon est une vraie chanson country à lui tout seul mais aventurez-vous un peu dans son univers de musico country dans les bars, les salles de concert médiocres au milieu de péquenots, de doux dingues et de dangereux tarés et vous verrez, le voyage vaut le coup. Une bouteille d’old crow, une Schlitz, Drive by Truckers à dégueuler des enceintes et vous serez bien dans l’ambiance. L’auteur connait visiblement bien ce milieu et sa manière de raconter le destin de ces musiciens maudits en fait vraiment un atout par rapport à certains autres romans du même genre et du même niveau. La musique adoucit les mœurs et les paragraphes consacrés au bluegrass, aux concerts craignos contrebalancent intelligemment certaines scènes violentes ou obscènes ou tout simplement hilarantes. Cela reste néanmoins du Noir et du bien relevé par la présence d’une figure du mal bien dérangée et surtout dérangeante.

Le propos très enlevé, les péripéties bien contées, la tension constante (saloperie de Daffy Duck) et les personnages bien frappés comme les héros malheureux Leon et Jones dont la geste sera contée dans la deuxième partie font de « Nitro Mountain » un roman particulièrement plaisant à lire même si on pourrait reprocher au livre d’être plus vraisemblablement un recueil de deux novellas auxquelles on aura ajouté une petite troisième partie plus dispensable où l’auteur explique les zones d’ombre restantes tout en laissant la porte ouverte à une suite qu’il n’a peut-être jamais envisagée au départ, un final assez superficiel.

« le meuble télé est encombré de bouteilles vides renversées qui font des flaques sur la moquette jonchée de morceaux de verre. Un magnum d’alcool pas cher gît, sans bouchon, sur le canapé. Des cendriers débordent. L’odeur qui règne est celle de toutes les chansons qu’il a chantées jusqu’à maintenant. »

Alors, certains comportements pourront choquer, certains passages pourront révolter voire outrer mais ce genre de came n’est pas faite pour les âmes sensibles, vous ne l’ignorez pas. Et si le roman n’est pas non plus inoubliable, il n’a pas à rougir de la comparaison avec la moyenne de la production du genre et procure un « one shot » particulièrement jouissif.

Country foutraque.

Wollanup.