Nightmare Alley
Traduction: Denise Nast
Traduction révisée par Marie-Caroline Aubert
Effet COVID? Beaucoup de rééditions cette année et pas uniquement à la SN. Viennent juste de sortir deux romans des années 70 signés Raf Vallet qui succèdent à ce roman de Gresham, lui, paru au printemps et sorti initialement en France en 1948 et nommé alors “le charlatan” et qui sera plusieurs fois réédité par différents éditeurs au cours de la deuxième moitié du XXème siècle. Filmé à Hollywood en 1947 par Edmund Goulding avec en vedette Tyron Power, il bénéficie d’une nouvelle adaptation en cette fin d’année par le talentueux Guillermo Del Toro. Les premières images du film semblent bien reprendre l’atmosphère lourde et méchamment gothique du roman.
“Stan Carlisle, employé dans une tournée foraine, médite en assistant au numéro d’un geek, affreux poivrot qui décapite les poulets d’un coup de dents. Jamais il ne descendra aussi bas, jamais ! Jeune et séduisant, Stan nourrit de grandes ambitions et n’a aucun scrupule. Sa rencontre avec Lilith, psy blonde, implacable et glaciale, marque le tournant de sa carrière. L’heure est venue de berner les riches en convoquant leurs chers disparus dans des demeures cossues. Mais le Dr Lilith a percé à jour les nombreuses failles de Stan le Magnifique…”
Alors l’histoire est un grand classique: l’ascension puis la chute d’un homme qui ne reculera à rien dans l’escroquerie, un homme que l’on voit se transformer de jeune ambitieux à grosse ordure sur une quinzaine d’années. On est dans l’univers d’un Jim Thompson et sans aucun doute, ce roman a dû séduire un Harry Crews avec sa bande de monstres de foire, rois de entourloupe, diseurs de bonne aventure et prédicateurs. L’atmosphère est très sombre avec d’effarants faux-semblants, des moments de délire horrible dans le monde des tarots et tables de spiritisme. La plume est violente et rageuse à l’ image de Stan.
« le monde est un véritable enfer. Au sommet, certains possèdent toute la richesse. Pour avoir ce qui vous est dû, il faut essayer de leur faire lâcher prise. Alors, ils se retournent et vous font sauter les dents pour avoir osé faire ce qu’ eux ne cessent de faire. »
A une époque, le grand Nick Toshes s’était fendu d’une présentation reproduite dans cette édition. Il considère que Stan est Gresham, personnage très trouble, qui s’est donné la mort à 53 ans, malade, alcoolique et dans la misère. Il est vrai qu’on y perçoit beaucoup de sa passion pour le monde des forains, de son obsession pour la bouteille et beaucoup de ses réflexions sur l’hindouisme et le communisme notamment.
Malgré cette folie qui noie les pages, le final pourra s’avérer un peu trop prévisible. Finalement la morale est sauve, les méchants sont punis, les gentils découvrent le bonheur.
Si l’histoire souffre de quelques temps plus lents dus à de nombreuses explications sur les tarots et l’illusion, le roman se dévore, un peu hagard devant tant de détresse, devant ce drame de l’alcoolisme. Certaines pages du roman, particulièrement frappantes, semblent être d’ailleurs écrites sous l’emprise de alcool. Un voyage terrible dans la psyché dérangée d’un homme.
Clete
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