Traduction : Lori Saint-Martin et Paul Gagné (Anglais canadien)
La montagne, théâtre magistral d’une dramaturgie rude pour quatre randonneurs, plante irrémédiablement ce décor singulier d’espace, d’introspection et, paradoxalement, aussi de communions multiples.
« Un matin d’hiver, quatre randonneurs se retrouvent dans la cabine d’un téléphérique qui les dépose en haut d’Angel’s Peak. La météo change brusquement et une tempête de neige les bloque en altitude. Bravant une contrée aussi sublime qu’inhospitalière, Nola, Bridget, Vonn et Wolf – qui ne se connaissaient pas vingt-quatre heures plus tôt – seront confrontés à une question terrible : quels sacrifices sont-ils prêts à consentir pour sauver la vie d’un inconnu? »
Lori Lansens a écrit des scénarii à succès avant d’effectuer une entrée remarquée sur la scène littéraire en 2002 avec son premier roman La Ballade des Adieux. Née et élevée à Chatham dans l’Ontario, elle vit actuellement à Los Angeles.
Wolf Truly manque de repères, manque de racines familiales profondes capables de structurer un homme. Il cherche la liberté, dans cette liberté un exutoire d’expiation de ses rancoeurs, de ses souffrances, de ses questions fermées. C’est au cours d’une de ses randonnées, qui aurait dû être l’ultime, dans cette batholite magnétique, accompagné de trois femmes d’une même famille que la tragédie s’installe dans ce lieu ingrat qui ne pardonne ni l’approximation, ni le manque de respect. Wolf ne se respecte pas, ne se respecte plus, marqué par les affres d’une vie terne entouré d’un semblant de famille dissout par l’absence de cap et dépourvu de moralité.
L’opposition saisissante entre nature et matérialité dans ce monde moderne déséquilibre l’abscisse et l’ordonnée de notre personnage central. Ses écorchures profondes n’ont pourtant pas porté atteinte à son code existentiel, à ses valeurs. Mais il n’entrevoit pas d’issue… Elles brilleront, alors, au contact de ses trois femmes dans cette glissade accidentelle dans cette fosse, de ce déchaînement alpestre. Néanmoins la tragédie balance des ressources enfouies en délivrant des vertus insoupçonnées, insoupçonnables. Ce groupe constituera progressivement une équipe, une famille, soudé par la difficulté, par cette sensation obvie de voie sans issue, sans lumières rassérénantes.
Malgré quelques maladresses ou incohérences minimes, l’auteur nous assène un récit lourd d’humanité volontariste, se reposant sur des personnages découpés avec justesse. Elle polit leur caractère avec une réelle empathie, acuité, se jouant de leurs liens dans cette progression en huis clos paradoxal au sein de cet espace montagnard démesuré. Chacun d’eux porte sa croix, cache des plaies béantes mais réalise que leur salut passera par l’occultation temporaire de celle-ci pour le bénéfice collectif. On se prend à les soutenir, on les pousse, on les porte, on leur murmure des mots d’abnégation.
C’est dans cette dimension d’immersion de notre lecture du récit tragique, d’où l’on se sent parti intégrante, que Lori Lansens tisse une trame inflexible en creusant les sillons initialement parallèle de personnalités progressivement entrecroisées.
Sacrifices de rédemption et de résilience !
Chouchou.
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