Traduction: Nathalie Peronny.
“Pas si simple d’être le Iggy Pop d’une petite ville de province…”
Le début des années 80 à Airdrie en Ecosse. A moins d’y être passé, vous ne devez pas connaître. Situé dans la campagne du comté du North Lanarkshire, ouais, vous ne voyez pas vraiment mieux. On pourrait dire comme on le fait si souvent pour parler de petites villes d’une trentaine de mille habitants que Airdrie est le trou du cul du monde ou du moins de l’Ecosse mais la ville n’est située qu’à une vingtaine de kilomètres de Glasgow donc pas réellement isolée. Là, les jeunes rêvent de partir loin de la Calédonie et de ses tartans mais le plus souvent ils restent plantés là reprenant les emplois de leurs parents dans les usines et depuis des décennies, peu d’évolution. Mais la vague punk de la fin des années 70 a créé un espoir pour tous ces jeunes, qui ont vu que trois accords de guitare, des épingles à nourrice, de la provocation, du nihilisme et de l’anarchie primaire suffisaient parfois à lancer une carrière dans l’industrie musicale si on était suffisamment malin et chanceux. “ Phony Beatlemania has bitten the dust” chantait the Clash, on déboulonne les idoles friquées, le souffle de la révolte d’une jeunesse prolo a atteint aussi Airdrie. Les major companies ont compris et sont à la recherche des nouveaux Damned, Sex Pistols, Clash, Exploited, Sham 69, Jam…
“Memorial Device” raconte les tout débuts, les hésitations, les plantages mais aussi les fols espoirs et la destinée de ces jeunes sans avenir et surtout sans réel talent. Toute la faune locale est finalement sur scène dans ce grand “ great rock’n’roll swindle” d’Airdrie. On croise bien sûr des zicos, des paumés, des grands malades, de grands mythos, des pseudo intellos, des toxicos, des membres de l’Ira planqués, des pères alcoolos, des stars du porno, une grande comédie douce-amère particulièrement touchante et souvent hilarante, des légions d’ados qui se cherchent sans finalement vraiment se trouver.
“J’ai souffert de troubles mentaux toute ma vie. Mais rien que pour l’aspect créatif, ça vaut le coup”
David Keenan connaît parfaitement la scène punk et post-punk de ces années et c’est un vrai bonheur de retrouver tous ces groupes aux carrières météoriques ou tombés complètement dans l’oubli depuis. Keenan maîtrise, redoutable expert de cette époque d’explosion salutaire d’un monde rock bien essoufflé par des dinosaures endormis et le lecteur qui a connu, qui a participé à cette fureur reconnaîtra le niveau d’expertise de l’auteur et le remerciera pour le belle Madeleine de Proust. Keenan a travaillé pour l’excellent magazine musical british The Wire et a vécu enfant à Airdrie au moment de la déflagration punk. Maîtrise parfaite du sujet donc associée à une connaissance du décor et magnifiée par une construction virtuose inspirée du roman de Georges Perec “la vie, mode d’emploi” qui racontait la vie des habitants d’un immeuble sur six ans. Keenan reprend ce schéma narratif en l’adaptant à la jeunesse rock d’ Airdrie sur plusieurs années autour du groupe “Memorial Device”, sa naissance, sa vie, son oeuvre… imaginaire à travers une narration surprenante au départ à base de témoignages, d’interviews, lettres, articles, témoignages où chacun tente de bien se placer dans la lumière, compilée par Ross Raymond un aspirant rock critique. La mosaïque prend forme rapidement pour créer une tableau particulièrement déjanté, foutraque.
En fait, le monde de la musique punk n’est qu’un moteur, un puissant moteur certes, pour développer l’environnement social britannique des années 80. Nick Hornby pour l’univers musical ainsi qu’ une certaine tendresse et Irvine Welsh pour l’ hommage à ces losers magnifiques et le côté déjanté, Memorial Device est un très grand moment de rock’n’ roll, un roman superbe, qui laisse néanmoins l’immense regret que le groupe n’ait jamais existé.
ROCK ON !
Wollanup.
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