Que j’aimerais partager un enthousiasme à la hauteur de celui déclamé par Wollanup un peu plus tôt tandis que s’achève une année de lectures. Hélas, cette fin 2019 me donne plus l’impression d’arpenter les rues de Boston après la Grande Inondation de mélasse de janvier 1919. Le trottoir englue mes godasses, peu de livres m’inspirent depuis un moment. J’en ai laissé filer des bons (le Winslow…), d’autres m’ont bel et bien déçu. J’ai un temps cru ne pas pouvoir proposer autre chose qu’une liste indigente. Avec quelques efforts, voici réunis des titres, pour beaucoup chroniqués sur le blog, qui collent quand même aux doigts et au souvenir et pas parce qu’on a mis du visqueux dedans ou dessus. Des textes noirs mais aussi de la littérature du réel qui raconte (beaucoup) l’Amérique et (un peu) notre beau pays.
LE CHEROKEE de Richard Morgiève / Ed. Joëlle Losfeld.

Aux frontières de la parodie de genre, un polar, plein de jus, de brutalité et de verve.
J’AI TUÉ JIMMY HOFFA de Richard Brandt / Ed. JC Lattès

Bien sûr, il y a le film de Scorsese, The Irishman, qui a acheté les droits de l’ouvrage original I heard you paint houses. Traduites, les confessions et révélations du véritable Frank Sheeran, ancien homme de main du syndicat des routiers aux amitiés mafieuses, dessinent un portrait sombre qui laisse pantois.
L’HÔTEL AUX BARREAUX GRIS de Curtis Dawkins / Fayard

Inspiré par l’expérience carcérale de son auteur qui a pris perpète. A la fois tristes et drôles, implacables et touchantes, des histoires qui nous rappellent que la prison est aussi viscéralement américaine que le motel et le parc d’attraction.
NOMADLAND de Jessica Bruder / Globe

Une grande enquête journalistique sur le déclassement d’une partie de la société américaine contemporaine. Ils ont perdus leur maison, ils vivent dans des campings cars ou des fourgons. Font des milliers de kilomètres pour travailler dans des conditions indignes (souvent pour Amazon) bien qu’ils aient 50, 60, 70 années ou plus. Je vous promets que ça fait réfléchir sur son boulot et sa retraite…
CHERRY de Nico Walker / EquinoX/ Les Arènes

(…) une fiction portée, transportée même, par une vérité brutale, sans une once d’apitoiement. Elle nous parle d’un carnage américain, celui d’une jeunesse amochée par la guerre, la morosité et l’anéantissement dans la drogue, avec une authenticité terrifiante.
LA CITÉ DE LA SOIF DE Philipp Quinn Morris / Finitude

Comédie familiale sudiste totalement barjo. Par un auteur retiré de l’écriture dans laquelle il n’a jamais fortune. Il faut que ce mec y retourne, c’est pas possible autrement. Jubilatoire.
STONEBURNER de William Gay / La noire Gallimard

Un schème typique du roman noir, articulant la femme fatale et ses pantins masculins, revisité. Avec de l’amitié virile un tantinet psychopathique, des bagnoles, des accidents de bagnoles et de la bagarre. On achète.
PÉQUENAUDS de Harry Crews / Finitude

Farandole de papiers journalistiques des années 1970 par le maître des freaks qui révèle un autoportrait pas piqué des vers. De la noirceur, de l’alcool, des torgnoles, le gruau de la bêtise et des graviers de diamant. Immanquable pour tous les « avaleurs de foutaises » auxquels je me sens appartenir.
DERNIÈRE SOMMATION de David Dufresne / Grasset

Ce livre très politique, qui se lit comme un polar – il en a la tension – à la bouffée finale dystopique mais pas improbable, donne un aperçu terrifiant des violences policières durant le mouvement des Gilets jaunes, violences amorcées depuis plusieurs années il faut bien le dire et qui ont récemment encore (mort de Steve Caniço, répression des manifestations de pompiers) montré leur ancrage dans la pratique policière. Eclairant.
Finalement, ça valait peut-être le coup de lire, surtout dans la première moitié de l’année.
En attendant 2020, ça glue, les copains.
Paotrsaout
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