Traduction : Gilles Goullet.

La lune en 2110 : un satellite appartenant à la Lunar Development Corporation où près de 2 millions d’âmes vivent dans des installations high-tech et servent les nouvelles dynasties qui se partagent le pouvoir et en exploitent les richesses, les Cinq Dragons.

Les Corta, dernière de ces familles à s’être hissée au sommet du pouvoir, gèrent l’extraction et la commercialisation de l’hélium 3, le gaz qui fournit l’énergie à la Terre. Les Mackenzie, rivaux de longue date, extraient les métaux. Les Asamoah se sont concentrés sur l’agriculture et la bio-ingénierie. Les Vorontsov sur le transport et les différentes infrastructures qui en dépendent. Les Sun, pour finir enfin, sont passés maîtres dans l’art de la haute technologie.

Marina Calzaghe, elle, est fraichement débarquée sur Luna. C’est une « Joe Moonbeam » pour reprendre l’expression populaire, un pied-tendre. Passablement en galère peu après son arrivée, c’est à travers son regard que l’on découvre émerveillé et plein d’effroi ce nouveau monde : un eldorado sans pitié, cocktail étourdissant de cultures et d’opportunités. Un monde en vase clos dont elle devra maîtriser les codes si elle désire rester en vie.

« Luna c’est Dallas dans l’espace »

Intrigues de palais, violence, coups de vices, espionnage, sexe, mensonges et trahisons. L’univers de Luna est effectivement impitoyable… mais aussi furieusement chic et glamour !

C’est un microcosme ultra libéral économiquement, féodal dans son organisation politique et ultra libéré au niveau des mœurs. Le système judiciaire y est limité à sa plus simple expression : pas de droit pénal ou civil. Pour éviter toute lourdeur et pesanteur administrative, tout est négociable sur Luna, contractuel… et se gère d’un clic de rétine ou d’un coup de couteau.

De l’aveu même du génial Ian McDonald, ce premier volet d’une trilogie se situerait donc à mi-chemin de la fameuse saga texane secouant la famille Ewing et de la série à succès « Game of Thrones ». L’argument commercial est certes louable, il élude cependant tout un pan magistral du récit.

Si ce dernier de ses cinq romans sortis chez Lunes d’encre reprend en effet les recettes des télénovelas et autres séries de renom, il développe surtout une palette impressionnante de thématiques et de visions bien plus personnelles chères à l’auteur, scientifiquement crédibles, mais aussi humanistes et profondes.

Que l’on ne s’y trompe pas : les atours sont légers, la plume suave et alerte, mais c’est bien l’ombre dantesque d’une tragédie shakespearienne ou d’un « Dune » de Frank Herbert que l’on voit rôder sur le régolite lunaire.

L’approche socio-historique, la finesse psychologique des personnages et la fougue jubilatoire de cet opus en font véritablement une œuvre d’une grande force et d’une grande justesse qu’on dévorera d’un bout à l’autre.

Ian McDonald est né en 1960, à Manchester. Décrit comme postcyberpunk, cet anglais émigré à Belfast cumule les succès et les prix littéraires depuis de nombreuses années.

Les droits de Luna on été achetés par CBS. Une adaptation pour la télévision est en cours de production.

Wangobi

PS: Et pour l’illustration sonore, j’ai choisi la grande Billie Holiday et son fameux Blue Moon, titre évoquant bien évidemment le cocktail éponyme « guest star » dans les salons huppés du satellite lunaire.. Je serais d’ailleurs bien surpris que la CBS ne rachète pas les droits d’une des nombreuses versions de ce morceau pour la balancer dans le jukebox de leur BO 😉