Greenwood
Traduction: Sarah Gurcel
Après avoir fait, comme la plupart des auteurs américains, ses armes dans le monde de la nouvelle avec « Le jardin du mendiant » sorti chez Albin Michel en 2012, Michael Christie revient dans les librairies avec un roman imposant « Lorsque le dernier arbre », sorte de pendant à « L’arbre-monde » de Richard Powers, prix Pulitzer 2019.
Tous ces scénarii post-apocalyptiques très à la mode en ce moment prennent une nouvelle dimension, plus réelle et plus inquiétante, lorsqu’ils font écho à la crise sanitaire mondiale que nous traversons depuis de longs mois.
« Le temps ne va pas dans une direction donnée. Il s’accumule, c’est tout – dans le corps, dans le monde -, comme le bois. Couche après couche. Claire, puis sombre. Chacune reposant sur la précédente, impossible sans celle d’avant. Chaque triomphe, chaque désastre inscrit pour toujours dans sa structure. » D’un futur proche aux années 1930, Michael Christie bâtit, à la manière d’un architecte, la généalogie d’une famille au destin assombri par les secrets et intimement lié à celui des forêts.
L’histoire démarre telle une dystopie.
Nous sommes en 2038, après « le grand Dépérissement », un dérèglement climatique ayant entraîné un bouleversement du climat, nous suivons Jake, une botaniste travaillant dans un parc d’attraction canadien et offrant à de riches visiteurs la possibilité d’approcher les derniers arbres sauvegardés. Ailleurs, la terre est devenue un désert suffocant et la plupart des arbres sont morts attaqués par les maladies et les insectes.
Cette partie permet sans doute de donner au roman une dimension de fable écologique, mais pour moi, le véritable intérêt du livre est ailleurs, dans la passionnante plongée dans le passé qui nous fait remonter le temps comme à la lecture des anneaux de croissance qui ornent la coupe d’un tronc : 2008, 1974, 1934, 1908…
À chaque époque, le romanesque nous emporte dans l’histoire de la famille Greenwood en même temps que dans l’histoire de l’Amérique. Plus on remonte dans le temps, plus les personnages sont profonds, troubles, humains. Ils nous entraînent dans leur vie liée à l’exploitation du bois et, si le discours écologique est bien présent, il est surtout servi par le talent avec lequel Michael Christie a construit un authentique roman d’aventure. Une histoire de famille, intemporelle, avec ses secrets, ses mensonges, ses incompréhensions, ses trahisons, ses amours…
Un livre sombre, comme l’est la vie ; imprégné de lumière, comme elle aussi.
Clete.
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