Traduction de François Happe

« L’oiseau du bon dieu » est le dernier roman de James McBride. Il se situe au XIXème siècle, avant la guerre de sécession et nous embarque en compagnie du célèbre abolitionniste : John Brown. Ce livre a remporté le National Book Award en 2013 et une adaptation cinématographique est actuellement en cours.

« En 1856, Henry Shackleford, douze ans, traîne avec insouciance sa condition de jeune esclave noir. Jusqu’à ce que le légendaire abolitionniste John Brown débarque en ville avec sa bande de renégats. Henry se retrouve alors libéré malgré lui et embarqué à la suite de ce chef illuminé qui le prend pour une fille. Affublé d’une robe et d’un bonnet, le jeune garçon sera brinquebalé des forêts où campent les révoltés aux salons des philanthropes en passant par les bordels de l’Ouest, traversant quelques-unes des heures les plus marquantes du XIXe siècle américain. »

C’est Henry le narrateur, et il raconte son histoire sur un tel rythme, avec une telle verve qu’on plonge rapidement dans ses aventures sans avoir envie de lever le nez.

Car si Henry, jeune esclave, est habitué à se taire et à ne pas contredire un blanc (ce qui l’amène à se faire passer pour une fille lorsqu’il est «libéré/kidnappé» par le fameux John Brown), il a un regard terriblement lucide, affûté par ses jeunes années passées dans un saloon et il n’a pas la langue dans sa poche quand il s’agit de commenter in petto…

Dans le même temps, Henry est également habitué à devoir survivre dans un monde où le plus crétin des abrutis peut lui créer des ennuis pourvu qu’il soit blanc. Il connaît donc la nécessité de sauver sa peau et, s’il repère la peur et la lâcheté chez les autres, il n’en est lui-même pas exempt et les comprend. Cela donne un ton profondément humain au livre, il n’y a pas de héros sans peur et sans reproche !

Henry, alias Henrietta, alias l’Echalote va donc côtoyer pendant trois ans John Brown, qui l’a adopté comme porte-bonheur, et son « armée » de quelques hommes dépenaillés.

John Brown en 1856.

James McBride nous donne à voir un personnage haut en couleur : humaniste, généreux, complètement illuminé, (il se sent investi de sa mission par Dieu lui-même avec qui il est en contact régulier !), et prêt à toutes les violences pour faire avancer sa Cause. James McBride nous fait un portrait extrêmement vivant de cet homme qui marqua son époque et dont la renommée traversa l’océan : quand il fut condamné à mort, Victor Hugo écrivit une lettre aux Etats-Unis d’Amérique pour demander sa grâce. On croise également d’autres personnages historiques qui se sont battus contre l’esclavage : Harriet Tubman et Frederick Douglass (qui n’a pas la sympathie de McBride).

Dans cet Ouest sauvage où la justice est expéditive, Henry, témoin privilégié, raconte cette lutte violente qui amènera la guerre de sécession. Sa situation en tant que fille (il va découvrir les avantages et les inconvénients de la féminité), sa liberté de ton agrémentent d’humour ses aventures et mésaventures. Il n’y a pas de temps mort et on suit avec passion l’évolution de ce drôle d’oiseau…

Un beau roman, épique, noir, drôle et tendre où la grande histoire et la fiction se téléscopent de belle manière.

Raccoon