Traduction : Philippe Brossaud (Etats Unis).

Telle votre écharpe fétiche qui ne vous quitte jamais, tel un gilet, un pull, étoilé de bouloches que vous rêvez d’enfiler dès votre retour du taf sous les frimas hivernaux, votre veste de jean en lambeaux que vous rejetez de livrer au rebut, ce bouquin a une attache singulière, une aura définitive, envoûtante. Dans celui-ci deux pôles antagonistes fusionnent et leur choix de vie décrit, en quelque sorte, une liberté retrouvée, expurgée.

« Dans l’Amérique des sixties, deux sœurs d’une trentaine d’années vivent coupées du monde, seules avec leur père malade. Quand il décède, c’est la libération! Chouette, se dit Frannie, je vais pouvoir passer le reste de mes jours avec ma sœur, une vraie vie de vieilles filles, le rêve!

Extra, je vais enfin m’amuser, rire, découvrir le monde… et les hommes, pense Doris.

Les deux sœurs décident de se lancer dans un road-trip décoiffant à bord de leur Plymouth bien-aimée. »

Le décès d’un père, lourd à ingérer, possède un certain « paradoxe » de chaînes rompues. Ces deux sœurs, livrées à elle-même, liées viscéralement à leur construction familiale se voient ouvrir les portes du possible. Malgré tout, dans cette satiété aventureuse, cette attirance de la sortie de cadre, leurs choix divergent, leurs inclinations respectives sont soit empruntes d’hésitations, soit motivées par une profonde motivation libertaire, la volonté de casser les codes. L’une entrevoit un avenir balisé, éclairé tandis que sa sœur désire invariablement suivre des chemins de traverse, des sentiers non répertoriés par les cadastres. Néanmoins leur complicité autorise la compromission et l’empathie mutuelle octroie le consensus.

En suivant cette épopée, l’auteur décrit par la même le mode de pensée sixties. Articulé le long d’un fil flexible où s’expriment les limites de chacune, les tabous, les réticences, leur voyage se heurte à leur propre cadre d’éducation et culturel. Point de Geena Davis ni de Susan Sarandon sur l’habillage de Hans Zimmer pour Thelma et Louise où le chemin cherche le mur, on est là avec Fran et Doris sur un habillage de Simon et Garfunkel, Otis Redding ou les Suprêmes dans une quête d’identité, le creuset de recherche du sens de leur vie.

Les rencontres qui jalonnent le récit concourent à ouvrir les portes de leurs réflexions personnelles. C’est dans cette dimension que l’ouvrage revêt son atout majeur et nous propulse, par l’entremise d’une plume souple, ondoyante, captivante, sur une route de l’initiation de trentenaires éprises d’émancipation….

Viatique sur les routes de la connaissance de soi-même.

Lumineux !

Chouchou.