SILENZI
Traduction: Joseph Incardona
« Se taire, ne jamais se mêler des affaires des autres, voilà la règle qui prime dans ce village au cœur des montagnes, et permet à chacun de cultiver consciencieusement son lot de rancœurs et de préjugés. Quand Emil a disparu, personne n’a rien dit, bien sûr, les langues sont restées liées. Et quand l’orpheline, la jeune Ida, a été placée chez les Hauser, on se doutait bien que la vie serait difficile pour elle.
En butte à la haine de la fermière et aux regards libidineux de son mari, la jeune fille ne peut compter que sur son amitié clandestine avec Noah, un adolescent qui rêve d’ailleurs. Il réussit à la convaincre qu’elle aussi a droit à sa part de bonheur, mais il est trop tard. Ils ne parviendront, bien malgré eux, qu’à déclencher malheurs et drames, à faire remonter à la surface toute la boue de secrets et de non-dits du village.«
Luca Brunoni, écrivain et professeur de droit suisse, arrive en France chez Finitude avec Les Silences, son deuxième roman mais son premier traduit en français. Si Luca Brunoni est apparemment parfaitement francophone, c’est en italien qu’il écrit, sa langue maternelle, et c’est l’écrivain Joseph Incardona qui s’est chargé de la traduction.
On nous le spécifie dès le début du livre, l’auteur s’inspire ici d’une page pas très glorieuse de l’histoire helvétique. Il apparaît qu’entre le XIXe siècle et 1960, de nombreux enfants orphelins ou de familles difficiles, furent placés dans des institutions ou dans des familles, notamment paysannes, où ils furent une main d’oeuvre très largement exploitée, pour ne pas dire réduits à l’esclavage. Le contexte donné, on se doute déjà que l’ambiance du roman ne s’annonce pas bien joyeuse.
Les silences est découpé en deux parties. La première est consacrée à Ida, l’orpheline de 13 ans, et à son arrivée puis son quotidien au sein de la famille Hauser et dans le village. On découvre petit à petit différents personnages par le prisme de l’orpheline, ainsi que tout ce qu’elle doit subir. Pour ce qui est de la deuxième partie, celle-ci revient sur le même laps de temps mais du point de vue du village et ses habitants. Le procédé a le mérite d’être un minimum original et permet ainsi de poser dans un premier temps les différents éléments de l’intrigue, tout en gardant une part de mystère, puisque c’est seulement dans la deuxième partie que se dévoile plus en détails tout ce petit monde – et ses secrets – qui gravite autour de notre orpheline.
Le style de Luca Brunoni qui se veut assez concis, même lapidaire, est fait de phrases courtes et épurées. On n’est clairement pas dans de grandes envolées lyriques. Bien que pour ma part ce soit une démarche que j’ai tendance à trouver efficace et intéressante en général, ici j’ai néanmoins l’impression que c’est parfois un peu trop sommaire, voire scolaire. Nul doute que des moins tatillons que moi serons aisément plus convaincus, les pages s’avalant rapidement et agréablement. L’atmosphère est dickensienne et définitivement noire, de quoi contenter les amateurs du genre qui n’ont pas pour habitude de faire dans le jovial.
Les silences de Luca Brunoni est un roman de campagne bien noir et austère dans lequel tous les personnages ont leur part d’ombre. On est assez loin d’une certaine image lissée de la Suisse avec ses paysages bucoliques de carte postale. Un livre qui a un potentiel pour trouver son public et une nouvelle voix de la littérature helvète qui n’a probablement pas encore écrit son dernier mot.
Brother Jo.
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