Blacktop Wasteland

Traduction: Pierre Szczeciner

Les routes oubliées est le premier roman de S.A. Cosby à paraître en France. Et nul doute que, comme souvent, Sonatine a fait un bon choix et qu’on devrait retrouver cet auteur afro-américain dans les librairies françaises très prochainement.

Le roman se fend en deux parties qui n’ont finalement pas grand chose à voir. La première pose, de manière un peu longue, pendant un premier tiers un cadre proche des chansons country que l’on a déjà si souvent entendu. Beauregard, rangé des voitures, (l’expression est loin d’être anodine) après un passé dans la criminalité comme chauffeur pour des casses et homme réglant ses problèmes avec ses poings, les pneus de sa caisse, les presses hydrauliques ou avec un flingue quand c’est nécessaire avec une froide violence, a de gros problèmes de thune et dans ce coin rural de la Virginie, sa couleur de peau ne lui octroyant aucun blanc seing, tous les voyants sont dans le rouge. Sa fille doit rentrer à l’université et ça coûte une blinde aux USA et comme cela va bientôt se produire chez nous, on nous l’a déjà promis… Son fils a besoin de lunettes, sa mère lui coûte une fortune à la maison de retraite et il ne peut plus payer les traites de son petit garage. Beauregard est devant un gouffre et va retourner à ses sales habitudes apprises avec un père disparu depuis des années, victime d’avoir franchi trop souvent la ligne blanche .

“Parfois j’étais Bug, et parfois j’étais Beauregard. Beauregard avait une femme et des enfants. Il avait un métier et il allait à la kermesse de l’école. Bug… Bug, lui, il braquait des banques et des fourgons blindés. Il prenait des virages à cent soixante. Bug, c’est le gars qui a balancé les types qui avaient buté son cousin dans une presse à ferraille. J’ai toujours fait en sorte que Bug et Beauregard se croisent pas. Mais mon père avait raison. On peut pas être deux personnes à la fois. Au bout d’un moment, y en a un qui s’échappe et qui détruit tout sur son passage.”

La seconde partie démarre sur les chapeaux de roue quand Beauregard décide de s’associer avec deux tarés, camés jusqu’aux yeux et cons comme des valises mais hélas moins utiles et bien plus dangereux. Il fait le chauffeur d’un casse d’une bijouterie réussi dans un bain de sang non prévu et absolument inutile. Mais, peut-être plus grave, les diams dérobés, appartiennent à un caïd local particulièrement marri par le préjudice et absolument déterminé à récupérer son bien, indispensable à sa survie de malfaisant retors et le mot est aimable pour pareille ordure.

“Ils ont buté mon meilleur ami, Boonie. Ils ont buté mon meilleur ami parce que Bug a déconné et que Beauregard était pas là pour rattraper le coup”.

Et c’est parti pour deux cents pages de furie humaine et mécanique. Beaucoup de bagnoles trafiquées dans Les routes oubliées. Et S.A. Cosby nous embarque à la place du mort, le pied au plancher, l’aiguille dans le rouge. On dévore l’asphalte, les rapports massacrés, la tôle hurlante, la gomme cramée, les moteurs martyrisés, les caisses deviennent des armes, des instruments de mort.

Je sens bien que vous pensez à une version littéraire de Fast And Furious …mais ne me peinez pas, ne vous méprenez pas sur mon choix. Les routes oubliées pue la testostérone, l’adrénaline, l’huile bouillante, le cambouis, le sang et les larmes certes et de manière parfois outrancière mais vous invite à un putain de voyage rarement pratiqué.

Du super très plombé.

Clete