Los muertos y el periodista
Traduction: René Solis
Parfois, toujours, rétorqueront certains, il vaut mieux s’effacer devant les propos de l’auteur:
“Écrire ce livre ne m’a pas coûté. Cela a été un processus organique, comme vomir. Cela ne m’a pas coûté, ce qui ne veut pas dire que j’y ai pris plaisir, mais je suis content de l’avoir fait.
Dans les pages qui viennent vous trouverez une histoire centrale reliée à d’autres histoires secondaires. Toutes sont affligeantes dans les grandes lignes : j’en ai connu le fond. Le récit central va plus loin, il va au bout de l’échec, il s’enfonce de tout son poids aussi profond que possible, et est sans aucun doute susceptible de descendre plus bas que le niveau atteint par les lettres que je forme.
Il y a dans ce livre des vies qui se déroulent dans des profondeurs auxquelles on a du mal à croire qu’il est possible de s’habituer. J’ai moi-même du mal à y croire alors que je l’ai écrit pendant un an. Il n’y a pas de héros véritables ni de victimes revendiquées ; ce n’est pas une réalité à l’élégance “noire”, avec des bienfaiteurs à la morale douteuse, qui ont de la classe et du mystère, imparfaits et attirants ; il y a de la déformation, de la sauvagerie et de la cruauté.
Mais il n’y a pas non plus de méchants sans nuances. De fait, il n’y a pas de méchants, et pas de bons non plus, ni d’antipodes saillants. Il y a un autre monde avec d’autres règles, avec d’autres limites, et avec des principes, des certitudes, des haines et des amours qui ne correspondent pas aux canons acceptés par ceux d’entre nous qui acceptent les choses et les publient sur Internet, qui font des discours et donnent des conférences, qui boivent des verres à New York comme à Medellín…”
Ce propos qui cogne est le préambule de Les morts et le journaliste. Il est l’œuvre d’Oscar Martinez journaliste d’investigation et écrivain salvadorien qui travaille pour elfaro.net, journal en ligne spécialisé sur les sujets de violence, migration et crime organisé. Ses articles et enquêtes sont fréquemment relayés par El pais et le New York Times. On lui doit également El Niño de Hollywood, lecture affolante qui raconte la Mara Salvatrucha 13, gang de gamins crevant la dalle créé à L.A. dans les années 80 dont les membres les plus dangereux avaient été rapatriés par Reagan au Salvador au début des années 90 et qui est devenu un véritable fléau sur tout le continent américain avec des ramifications un peu partout dans le monde.
“C’est une mafia, oui, mais c’est toujours une mafia de pauvres. Le secret c’est que leur rêve n’est pas de devenir riche, mais d’être quelqu’un. Quelqu’un de différent de ce qu’ils étaient. Parce certains d’entre eux, comme Miguel Angel, étaient pauvres depuis toujours, mais aussi humiliés, frères de gamines violées, fils de parents alcooliques, nomades. Ils étaient le rebut. Personne dans cette vie ne veut être Miguel Angel Tobar.” extrait de El Niño de Hollywood.
Les morts et le journaliste s’intéresse à l’autre versant de la violence, celle qui est légitime , l’œuvre de la police salvadorienne dans “des affrontements” que Martinez traduit par des “massacres”. Il raconte avec une sincérité touchante ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu, ce qu’il a subi, sa colère, sa rage, ses peurs, sa tristesse, ses regrets, ses larmes. Le Salvador est un des endroits les plus dangereux de la planète et pour beaucoup de mômes nés au mauvais endroit un seul choix: tuer ou être tué…Et Oscar Martinez est au milieu de la boucherie.
L’ouvrage est très douloureux et pourtant c’est une œuvre importante sur le journalisme, son éthique, la recherche de témoignages, la diffusion ou non d’informations très compromettantes pour les émetteurs. Parsement son discours d’anecdotes stupéfiantes, l’auteur se concentre surtout sur l’histoire de Rudi et de ses frères et sœurs qui ont accepté de témoigner. Rudi a quatorze, quinze ans ou seize ans, personne,lui compris, ne sait vraiment. Sa mère a eu quatorze enfants de douze pères différents… C’est un mara, un “bambilla” comme préfère le nommer Martinez, il est déjà impliqué dans sept meurtres et il est le seul témoin d’un massacre orchestré par la police qui veut donc sa peau. Il va tout raconter à Oscar Martinez tout en restant caché dans une auge à cochons pendant des mois.
“Si ce dimanche 16 avril 2017 au soir je ne m’étais pas pointé dans le village de Santa Teresa, peut-être que Herber n’aurait pas été assassiné à coups de machette au visage; peut-être que Wito n’aurait pas été décapité; peut-être que Jessica n’aurait pas été obligée de fuir. Rudi, lui, je crois qu’on l’aurait tué de toute façon”.
Plongez dans la souffrance et la douleur, Oscar Martinez vous attend au fond. Les cojones de ce monsieur, chapeau !
Clete.
Je retiens pour le prochain mois latino…
Ah oui, tu peux, c’est stupéfiant.
Je l’avais noté mais après vous avoir lue, je le veux je le veux (Joe Dalton frappant le sol avec rage).
Et c’est une bonne décision, c’est un grand document.