THE DYNAMITERS
Traduction: Jacques Mailhos.
Quatrième roman de Benjamin Whitmer chez Gallmeister et si je n’ai pas spécialement goûté le précédent “Evasion”, il faut reconnaître que chaque sortie de l’auteur implanté dans le Colorado est un bel événement. Continuant son credo d’une histoire de la violence aux USA, il creuse à nouveau et plus profondément dans le passé pour nous conter violemment le cloaque de Denver à la fin du XIXème siècle.
“1895. Le vice règne en maître à Denver, minée par la pauvreté et la violence. Sam et Cora, deux jeunes orphelins, s’occupent d’une bande d’enfants abandonnés et défendent farouchement leur “foyer” – une usine désaffectée – face aux clochards des alentours. Lors d’une de leurs attaques, un colosse défiguré apporte une aide inespérée aux enfants, au prix de graves blessures que Cora soigne de son mieux. Muet, l’homme-monstre ne communique que par des mots griffonnés sur un carnet. Sam, le seul qui sache lire, se rapproche de lui et se trouve ainsi embarqué dans le monde licencieux des bas-fonds.”
L’homme-monstre se nomme Goodnight, est avare de confidences mais on apprend par son ami venu le récupérer qu’il est originaire des bas-fonds où tentent de survivre Cora et Sam et les orphelins qu’ils protègent, élèvent, éduquent dans la peur des adultes nommés les “ crânes de nœud”. Cole, l’ami, est le propriétaire de l’Abattoir, la gargote la plus dangereuse de la ville et a maille à partir avec l’administration corrompue de la ville, la police et l’agence Pinkerton. Goodnight carbure au laudanum, Cole à n’importe quel tords boyaux et leur cerveau n’émet plus forcément les signaux de prudence, le raisonnement a perdu toute logique autre que “œil pour œil et dent pour dent”. Sam, s’engage auprès des deux cramés du bulbe, pour pouvoir apporter l’argent nécessaire à la belle entreprise de Cora, une sorte de madone mais avec flingue quand même, tenue de rigueur au Far West et aux USA…
Les romans de Benjamin Whitmer sont violents, très violents pour les néophytes, il est sûrement bon de le rappeler et il faut parfois affronter des pages bien sanglantes pour poursuivre l’histoire bien belle d’un gamin fou amoureux et d’une aimée qui ne vit que pour protéger ses “enfants”. L’auteur a fait, on s’en doute en le lisant, de belles recherches sur le Denver de l’époque partagée entre une bourgeoisie au centre et la lie de la lie survivant à la périphérie de la mendicité, de la prostitution, de rapines et des trafics les plus vils. Whitmer éclaire de nouveau et de belle manière les laissés pour compte, les malheureux, les malchanceux, les damnés, les estropiés, les victimes et surtout les enfants en souffrance. Les raids sanglants dans les cercles de jeux, les tripots glauques, les opiumeries sont autant de témoignages cruels de l’enfer vécu par les plus jeunes, les plus faibles. On regrettera parfois un étalage de barbaque sanglante pas forcément utile au propos, des démonstrations de boucherie pas réellement utiles, à la manière des films de Tarantino.
Comme toujours avec Benjamin Whitmer, il est très difficile de sortir le nez du bouquin, la prose mais aussi tous les détails pointus sur la société de l’époque en font un roman qui s’avale cul sec, d’une traite, entraîné par une histoire, des situations dignes des plus grands auteurs de Noir américain.
Explosif !
Les « boucheries » que vous mentionnez ont toujours un côté cynique et humour noir – comme dans le cinéma de Tarantino d’ailleurs ! C’est vrai que Benjamin Whitmer n’est pas avare de pages sanglantes mais, comme dans Incident à Twenty Mile de Trevanian, elles viennent donc (étonnamment) apporter de la fraîcheur au roman et renforcer son propos : les enfants sont confrontés à un monde trop dur trop tôt (j’en parle plus longuement ici : https://pamolico.wordpress.com/2020/09/08/les-dynamiteurs-benjamin-whitmer/)