Traduit par David Fauquemberg.
Enfonçons-nous jusqu’ aux âmes, jusqu’ aux entrailles de vies, d’une ville multicolore, multiculturelle qui nous conduira au récit d’une vie et son histoire s’inscrivant dans l’Histoire d’un état-nation. Émotions, sentiments, propension forte à la promotion de la culture, valeurs d’existences marquées par le renoncement au fatalisme font de cet objet littéraire un joyau d’un discours salutaire.
« Le 29 août 2005, l’ouragan Katrina frappe La Nouvelle-Orléans et dévaste tout sur son passage. Quelque temps après le désastre, une voix s’élève des décombres : celle de Samuel Beckett, à travers l’acteur Wendell Pierce, interprétant un Vladimir prophétique. “Vladimir : J’ai cru que c’était lui. Estragon : Qui ? Vladimir : Godot. Estragon : Pah ! Le vent dans les roseaux.” Face à tous ces foyers rasés, à ces administrations dépassées par le chaos, à des familles dispersées, perdues, cette pièce, jouée au milieu d’un paysage apocalyptique, offre une incroyable catharsis pour tous ces rescapés qui peinent à revenir sur les lieux du drame, sur leurs terres, pour lesquelles leurs aïeuls se sont battus. Car eux, qui viendra les aider ? Qui aida leurs parents à échapper au fouet des esclavagistes, aux violences silencieuses des ségrégationnistes, à tous ceux qui nièrent leurs droits civiques ? »
L’auteur, bien connu des sériphages amateurs de fresques sociales et sociétales fortes, n’est autre que le Bunk Moreland de The Wire et l’Antoine Batiste de TREME. Et sa profession, son sacerdoce de comédien dramatique ne le cantonne pas à rentrer dans de simples personnages mais il fait preuve d’une réelle conscience politique et critique artistique en se référant comme un totem à sa culture afro-américaine et New Orleanians plus particulièrement.
Comme le soulignait Blaise Pascal « l’homme n’est qu’un roseau » mais il est devenu un roseau pensant ; ces roseaux entonnent leur chant, un chant triomphant. Et plus le vent souffle fort, plus notre esprit est fort. Plus notre art devient pur et plus grande est notre victoire.
Wendell Pierce nous convie successivement dans l’apport qu’a représenté l’éducation, la culture de ses grands parents marquée au fer rouge. Il étale ensuite la prépondérance des préceptes, les paradigmes inculqués par ses parents dans la difficulté majeure de la ségrégation au sein de la communauté de Pontchartrain Park. En décrivant l’enfance de ceux-ci puis de l’ensemble de la fratrie il dresse une ligne droite inflexible de valeurs profondes et constructives, constitutives d’esprits ouverts et allant de l’avant. Vient le temps de l’émancipation contrecarrant la peur salvatrice de la crainte viscérale de l’échec où alors bourgeonne et révèle la profondeur de son être artistique. On le voit alors creuser son sillon d’acteur pour atteindre sa félicité pour le rôle bi-facette de Bunk.
Vient de manière abrupte l’épisode catastrophe de Katrina qui plus qu’une portée naturelle représente surtout la destruction d’une cité dans ses dimensions multiples fondées sur des racines profondes alliant cultures patrimoniales, instinctivement, naturellement guidées, soutenues par cette culture musicale séculaire. S’ensuit la période de la reconstruction. Reconstruction matérielle mais bien plus. Reconstruction de volontés communes de préservation d’une force intérieur qui puise dans la foi de certitudes de singularités fondatrices, intangibles. Cette restauration pourrait être symbolisée par la représentation in vivo de la pièce de Beckett « En attendant Godot » où Wendell découvre l’attachement de son peuple à la culture, à sa culture et ses répercussions. Cet épisode est aussi le pont pour présenter l’aventure TREME constitutive à part entière des méfaits engendrés par un tel désastre, par la mise à jour de manœuvres politiques muées par le pouvoir et la recherche éternelle de bassesses mercantiles.
Ce récit bouleversant est l’histoire, donc, d’un homme à travers sa famille cherchant à étancher sa soif insatiable d’ouverture culturelle en naviguant invariablement entre musique et spectacle vivant. On est régulièrement ému par la sincérité du discours, par sa force puisée dans ses rhizomes générationnels qui ont forgé sa chair, son être, sa sensibilité.
Je l’aimais comme acteur maintenant je l’aime comme homme du monde dan son envergure émotionnelle, sa stature humaniste sans cacher ses failles, sans gommer ses anfractuosités.
Récit enrichissant qui à sa lecture nous isole de notre monde environnant mais à sa clôture nous imprègne d’une dose prophylactique contre les errances de certains et renforce notre part optimiste sur nos prochains nous entourant. Pierce possède cette indéniable faculté de recul sur soi-même et de transmission de vertus poussant à une alacrité sans faille.
Superbe et réel !
« ….nous étions peut-être allongés dans le caniveau mais nous avions le regard fixé sur les étoiles. »
Chouchou.
Eh bien ! Quel magnifique article ! Je sais, c’est sommaire comme commentaire, mais ça donne tellement envie, rien de plus à dire.
Envouté par l’homme, son récit, sa ligne de vie et les symboles qu’il véhicule, les valeurs que l’on lui a transmis…. Touché!