Le Polar de l’été n’est pas un polar, ce n’est pas un roman noir non plus mais l’objet central en est un entouré d’un halo flou de mystère.

L’oisiveté aidant, un romancier en villégiature dans l’île de Ré entouré de sa famille recomposée, s’enfouit dans les souvenirs lointains. Ils tournent autour de la bibliothèque patriarcale, bibliophile et résolument aux hétéroclites goûts, et d’un ouvrage en particulier. L’idée, saugrenue, de réadapter, ou plus prosaïquement d’en effectuer un plagiat, germe de son esprit en proie aux doutes et aux questions inhérentes à son âge, à sa condition égoïste masculine. Au fur et à mesure la quête du bouquin mythique va réellement devenir une quête, une obsession, la recherche du graal.

« Notre héros est un écrivain de polars. Pas très célèbre, « ses tirages n’atteignent pas les mêmes chiffres que Douglas Kennedy. » En vacances en Corse en famille et un couple d’amis, il discute de lectures et alors lui vient une idée ou plutôt une vision : il va écrire un plagiat de Pas de vacances pour les durs, de Paul Terreneuve, un polar hard-boiled des années soixante complètement oublié qui trônait au milieu des livres aux couvertures suggestives dans l’enfer de la bibliothèque de son défunt père. Ce polar représenta, très tôt dans sa vie, « un idéal impossible à atteindre ». En le modernisant, il ne peut que cartonner, devenir un phénomène de librairie : le polar de l’été. Ne reste plus qu’à retrouver ce livre, indisponible et disparu…Aucune trace sur le net, à croire que ce roman n’a pas existé…Quittant sa famille et ses amis, il part à sa recherche dans la maison familiale où il va affronter sa mère qui ne sait plus ce qu’elle a fait du livre, enquêter sur les traces de son enfance et de l’histoire familiale pour trouver ce satané polar de l’été qui se dérobe à chaque fois à sa quête. Son enquête ou plutôt sa quête, va l’amener à croiser et à se confronter à tous ceux qui ont pu avoir ce livre en main. »

Luc Chomarat publie son premier roman à l’âge de 22 ans début 80 ce qui le propulse dans une liste des auteurs comptant dans le roman policier d’après le Magazine Littéraire. Se dirigeant ensuite dans la publicité, il revient à l’écriture et obtient en 2016 le Grand Prix de Littérature policière pour Un trou dans la toile.

L’expérience et le désir de pondre un polar dans le souvenir tenace, vivace, des étals livresques de son père disparu, où se juxtaposaient aussi bien des affriolants SAS que des James Hadley Chase, Jim Thompson, Agatha Christie, Simenon pour ce qui concernait le polar, séparé d’autres genres tout autant variés. Le moment propice à la réflexion pousse l’auteur à échafauder sa thématique, le public ciblé et son but inavoué. Entre volontés vacancières de solidifier les liens nucléaires et démons humoraux titillant l’homme à son zénith, la « quiétude » fera prestement place à « l’inquiétude » causée par le mythe ou la réalité d’un écrit semblant être l’œuvre de son subconscient ou tout du moins génère de surprenantes difficultés d’appropriation.

Chomarat, sur un ton badin mais nullement crétin, nous délecte d’un tableau brossant l’homme désabusé à la charnière de son existence. Il extrait avec acuité les pensées typiques de cette phase où se bouscule les antagonismes, où les incertitudes sont pourtant contrebalancées par une maturité spirituelle opaque au concerné. Avec discernement et justesse les décisions, les choix de notre personnage central sont disséqués dans une dimension romanesque indéniable sous ce prétexte improbable de l’ouvrage référence susceptible d’infléchir son avenir.

Humour du quinqua où l’homme se regarde dans un miroir sans s’y voir !

Chouchou.