Traduction: Michel Cordillot et Lazare Bitoun
L’auteur nous propose, en compagnie du personnage source, une enquête journalistique sur la déviance analysée du voyeurisme.
« Le 7 janvier 1980, Gay Tales reçoit à son domicile new-yorkais une lettre anonyme en provenance du Colorado. Le courrier débute ainsi : « je crois être en possession d’informations importantes qui pourraient vous être utiles. » ; homme, Gerald Foos, confesse dans cette missive un secret glaçant : voyeur, il a acquis un motel à Denver dans ‘unique but de le transformer en « laboratoire d’observation ». Avec l’aide de son épouse, il a découpé dans le plafond l’une douzaine de chambres des orifices rectangulaires le 15 centimètres sur 35, puis les a masqués avec de fausses cilles d’aération lui permettant de voir sans être vu. Il a ainsi épié sa clientèle pendant plusieurs décennies, annotant ans le moindre détail ce qu’il observait et entendait – sans jamais être découvert. A la lecture d’un tel aveu, Gay Talese e décide à rencontrer l’homme. Au travers des notes et des carnets du voyeur, matériau incroyable découpé, commenté et reproduit en partie dans l’ouvrage, l’écrivain va percer peu à peu les mystères du Manor House Motel. Le plus troublant ‘entre eux : un meurtre non résolu, digne d’une scène de psychose, auquel le voyeur assisterait, impuissant. Le voyeur exige l’anonymat ; l’écrivain, soucieux de toujours livrer les véritables identités de ses personnages, s’en tient aux prémices de son enquête. Trente-cinq ans plus tard, Gerald Foos se décide à rendre publique sa machination et Gay Talese peut enfin publier ce livre dérangeant et fascinant. Le Motel du Voyeur interroge aussi, à travers la figure de Gerald Foos, étrange double pervers de l’auteur, la position du journaliste qui scrute le réel en observateur – en voyeur. »
Gay Talese est né en 1932, journaliste émérite de son état, a écrit sur Sinatra ou autres personnages épiques de la Pègre. Il est donc à part entière le cosignataire de cette étude avec Gérald Foos qui s’est auto-baptisé « le plus grand voyeur du monde ».
On pourrait trouver le propos sordide, voire immoral, mais la force des auteurs, et surtout celle de Talese dans sa mise en forme, est bien de nous montrer un pan de l’expérience humaine dans son incongruité du vice exprimé. On est bien face à une analyse quasi méthodique sociale, sociétale avec des particularités et un américanisme exemplaires. Le livre reste le reflet d’une correspondance épistolaire entre deux individus cherchant à expier ses travers pour Foos et rétablir de sa légitimité journalistique pour Talese (concernant l’épisode du crime non dénoncé). Par l’entremise de ces échanges et de l’analyse du journaliste on perçoit, on comprend certaines spécificités de la culture et de l’éducation américaine, en particulier dans ce coin du Colorado qu’est Aurora. Foos conserve pour autant un cadre, des valeurs propres qui ne gomment pas ses déviances mais exposent un homme dans sa multiplicité et sa volonté de s’assumer. Les cris d’orfraies face à ce voyeurisme primaire pourraient s’élever mais qu’en est-il du voyeurisme institutionnel, larvé que l’on subit au quotidien. La question est à juste titre posée.
Au royaume des onanistes les manchots sont des monarques !
Chouchou.
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