The poet and the murderer. A true story of literary crime and the art of forgery

Traduction: Nathalie Peronny

« Comment devient-on un faussaire ? L’enfance de Mark Hofmann a été rythmée par les rites et les textes mormons, une religion à laquelle on le sommait de croire sans poser de questions. C’est adolescent, alors qu’il a accès à des livres critiques sur son Église, que sa foi se fissure. Mais Mark se reprend vite : se sentant trompé, il devient usurpateur. Il commence à forger de faux documents, d’abord pour tromper les hauts dirigeants de l’Église mormone, puis, enhardi par son succès, il compose de faux poèmes d’Emily Dickinson. Devenu une figure incontournable sur le marché des manuscrits et des imprimés rares, le sympathique faussaire, pris au piège de sa propre folie, finit par commettre l’irréparable.« 

L’histoire de Mark Hofmann a tout d’une excellente fiction mais, comme nous le garantit toujours Marchialy, elle n’en est absolument pas une. Le faussaire de Salt Lake City: meurtres et manigances chez les mormons est le fruit d’un méticuleux et solide travail journalistique de la part de Simon Worrall qui, en Mark Hofmann, a trouvé un  fascinant sujet qui dépasse l’entendement. Si vous êtes du genre à faire facilement confiance aux personnes que vous rencontrez dans la vie, ou qui vous entourent au quotidien, vous risquez fort de remettre cette confiance en question après la lecture de ce livre.

Tout commence ici avec un certain Daniel Lombardo qui souhaite acquérir un document, qu’il estime précieux, pour la bibliothèque qui l’emploie. Il nourrit l’espoir de mettre la main, lors d’une future vente aux enchères, sur le manuscrit d’un poème inédit signé de la main d’Emily Dickinson. Selon lui une véritable aubaine pour la ville d’Amherst, où se situe sa bibliothèque, et où naquit et vécut la poétesse Emily Dickinson. Pour cela, il lui faut réunir une somme non négligeable. Une tâche qu’il accomplira sans trop de difficulté, sa démarche suscitant un intérêt certain de la part de quelques généreux donateurs. Malheureusement pour lui, dès l’acquisition du dit document, son engouement initial laissera rapidement place à un sérieux doute quant à l’authenticité de ce poème. Aurait-il fait l’acquisition d’un faux document ?

Dans Le faussaire de Salt Lake City, la mésaventure de Daniel Lombardo n’est qu’un point de départ, un prétexte, pour dévoiler aux lectrices et lecteurs l’oeuvre d’une vie, celle de Mark Hofmann, un faussaire aussi brillant que machiavélique, qui aura berné un nombre incroyable de personnes et d’institutions. Élevé dans le mormonisme, une religion qui n’est qu’une vaste fumisterie (Pléonasme ?), il dédiera sa vie à couillonner, avec un certain génie, cette Eglise pour laquelle il a nourri un mépris somme toute compréhensible. Il s’évertuera à créer quantités de documents qu’il arrivera à faire authentifier comme étant de réels reliques et à les vendre à d’importantes sommes. Ces reliques, souvent compromettantes pour l’Église mormone car mettant en exergue les nombreuses failles de cette religion bien américaine, feront sa notoriété. L’ironie, dans cette histoire, étant certainement que la première source d’inspiration de Mark Hofmann s’avère être Joseph Smith, le fondateur et premier prophète de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, qui aura lui aussi réussi à manipuler un beau paquet de monde pour arriver à ses fins.

Non content de se payer la tête du mormonisme, Mark Hofmann imitera également la voix par l’écriture d’autres personnalités majeures de l’Histoire américaine. Au fil des années, il développera de redoutables techniques pour faire passer ses documents pour vrais, tout en ne cessant jamais de se cultiver pour avoir une maîtrise totale des univers dont il devait s’imprégner pour assurer son succès. Il saura également apparaître aux yeux des gens comme un passionné et connaisseur respectable sous tous rapports. Comme être humain et comme faussaire, il s’est joué d’absolument tout le monde ou presque. Mais, trop gourmand, il finira par s’empêtrer dans ses propres manigances, allant même jusqu’à se transformer en meurtrier pour tenter de s’en sortir.

Le faussaire de Salt Lake City est une enquête jouissive et passionnante, toujours claire malgré sa complexité. Tout y est parfaitement étayé et documenté. On découvre non seulement un personnage unique en son genre, usurpateur de renom, mais également un univers qui nous est pour beaucoup étranger. Le livre de Simon Worrall est aussi riche en rebondissements qu’en enseignements. Haletant et captivant, l’un des incontournables de cette année 2022.

Brother Jo.