Traduction : Françoise du Sorbier.

Valerie Martin est une auteure américaine qui écrit de romans variés quant à leur thème depuis 1978. Elle a obtenu le prix orange en 2003 pour « Maîtresse » et son roman « Mary Reilly » a été adapté au cinéma par Stephen Frears en 1996. Ce livre-ci s’appuie sur l’histoire vraie de la Mary Celeste, un brigantin découvert dérivant au large des Açores en 1872 : à moitié inondé, sans trace de violence, cargaison et vivres intactes mais personne à bord…  Jamais l’explication n’a été trouvée et le mystère reste toujours entier, la Mary Celeste fait partie des fameux vaisseaux fantômes.

Peinture de 1861 de la Mary Celeste qui s’appelait alors Amazon par un artiste inconnu.

« Entre mythe et réalité, la grande romancière Valerie Martin, prix Orange pour Maîtresse, revisite l’histoire d’une des plus célèbres énigmes maritimes : le 4 décembre 1872, la Mary Celeste, un brigantin américain en route vers Gênes, est retrouvé dérivant au large des Açores. À son bord, aucune trace de l’équipage, de son capitaine, Benjamin Briggs, de son épouse et de sa fille qui l’accompagnaient. Pour le jeune écrivain Arthur Conan Doyle, cette disparition est une source d’inspiration inespérée. Pour Violet Petra, médium réputée dans les cercles huppés de Philadelphie, un cauchemar. Et pour le public de l’époque victorienne, obsédé par la mort, un fascinant mystère…

Un navire surgi d’une brume semblable aux ténèbres, un écrivain naissant à la veille de la gloire, l’émergence d’une ferveur spirituelle troublante et inédite : trois trames qui convergent tout au long d’un récit aussi tumultueux que les océans menaçant d’engouffrer la Mary Celeste. Un roman ambitieux sur l’amour, la perte, et les légendes parfois plus fortes que la vérité. »

Valerie Martin aborde ce mystère par la voix de trois personnages qui y sont tous liés. Certains sont réels : Sarah Cobb, qui épouse son cousin Benjamin Briggs, capitaine de la Mary Celeste au moment des faits et qui était également à bord du brigantin avec sa plus jeune fille et Arthur Conan Doyle qui a écrit une nouvelle librement adaptée de l’histoire de ce vaisseau fantôme « Déposition de J. Habakuk Jephson » parue dans le cornhill magasine en 1884.

D’autres sont fictifs : Phoebe Grant, journaliste, femme du XIXème qui a su s’imposer dans ce monde d’hommes et Violet Petra, médium liée de très près aux familles Briggs et Cobb mais qui n’a pas plus d’explication que les autres à ce mystère malgré ses contacts quasi quotidiens avec les morts.

Valerie Martin n’entend pas résoudre ce mystère mais s’en sert pour relier ses personnages, utilisant plusieurs voix, plusieurs styles, les vies des personnages se mêlent, se croisent avec ce mystère en toile de fond et le récit est intelligemment mené avec d’habiles aller-retours entre la réalité et la fiction, chacune influençant l’autre.

Avec un grand sens du détail, elle nous plonge dans l’ambiance du XIXème siècle : dans la vie de ces dynasties de marins de la côte est des Etats Unis, capitaines de père en fils, personnages respectés de notables dont les familles sont décimées par les naufrages et les noyades, dans la vie de Conan Doyle que l’on retrouve à différentes époques de sa vie : jeune médecin de bord fauché et écrivain mûr et respecté, dans l’engouement qui se développe pour le spiritisme. Un autre moyen de supporter le deuil quand la religion et la « volonté de dieu » qu’on doit accepter de bonne grâce semblent insupportables.

Dans ce livre très documenté, il y a de beaux personnages, principalement les femmes. Des femmes qui vont choisir leur destin, malgré ce que leur éducation et la bienséance de ce siècle leur dicte et l’affronter ensuite, quoiqu’il arrive.

Un très bon roman.

Raccoon