Chroniques noires et partisanes

LE COLLECTIONNEUR D’HERBE de Francisco José Viegas / Mirobole.

Traduction: Pierre Michel Pranville

C’est avec Le Collectionneur d’Herbe que l’on découvre Francisco Jose Viagas, un éminent  auteur portugais qui a dirigé la revue Ler (revue équivalente à notre magazine Lire).  Le Collectionneur d’Herbe est son dernier roman publié en France par les éditions Mirobole, éditrice qui ne lésine pas sur la qualité de ses publications. La preuve à nouveau.

Jaime Ramos, chef de la brigade criminelle à la PJ de Porto, préfère sa ville à toute autre. Dans son appartement s’empilent ses livres, qu’il lit l’hiver exclusivement. Attaché à son équipe comme à une famille, il est sourd d’une oreille et aime déambuler dans la vieille ville. Cette fois, l’affaire dont il hérite va l’obliger à remonter trois fils parallèles : pourquoi deux Russes viennent-ils
se faire assassiner dans le Minho ? Pourquoi une jeune fille de bonne famille disparaît-elle brusquement ? Et, surtout, qui est ce mystérieux collectionneur d’herbe qui envoie un jeune ingénieur parcourir les ex-colonies portugaises ? Son enquête mènera le lecteur jusqu’en Angola, au Brésil et au Cap-Vert, pour un roman d’une sensibilité rare, à la tonalité envoûtante : un polar langoureux sur le désenchantement, l’amour et la beauté.

Serait-il possible de parler de roman hybride ? Le Collectionneur d’Herbe est construit d’une manière peu habituelle : s’il s’agit bel et bien d’un roman policier, il serait dommage de s’arrêter à ce genre, tant l’auteur nous promène à travers le monde de la littérature.

Tout commence avec des meurtres et une disparition, des énigmes que devra résoudre l’inspecteur Jaime Ramos accompagné de son équipe devenue au fil du temps sa famille.

Au premier abord nous nous attendons à une enquête dont le déroulement est classique ; mais quelle n’est pas notre surprise lorsque l’auteur décide de nous perdre au cœur des mots, des ellipses et des allers-retours.

Francisco Jose Viagas est une poète, ses mots font  penser à une peinture, Turner, par exemple, qui est cité au début du roman. Et les couleurs et les effluves, dictées par la poésie qui nous monte au nez, peuvent faire penser à des œuvres de Pierre Bonnard ou de Monet. Imaginez le Portugal peint par ces artistes.

Ce roman fait inévitablement penser à l’ Âge d’Or  de Michal Ajvaz, non pas par les thèmes abordés, mais par l’imagination qu’il suscite. Le Collectionneur d’Herbe est une œuvre poétique au fond très noir : la drogue, la mort, le devoir de mémoire, … Pourtant l’intrigue est vite remisée au second rang, comme si le désir de Viagas était de nous pousser à uniquement savourer les plaisirs qu’offrent le Portugal et les Portugais. Encore une preuve de d’habileté d’écriture : les portraits des personnages sont subtils, écrits à l’image des Vies Minuscules de Pierre Michon

Bien évidemment, on ne va pas en dévoiler plus pour ne pas vous gâcher le plaisir. Mais tenez-vous prêts à lire un roman policier poétique aux multiples influences. Tenez-vous prêts à voyager du Portugal au Brésil en passant par l’Afrique.

Tenez-vous prêts à tenir entre vos mains une œuvre superbe !

Bison d’Or.

 

4 Comments

  1. Marie-Claude

    Un lecteur saisonnier qui vit à Porto? Ça suffit pour me tenter!

    • Bison d'or

      Bonjour !
      Il faut aller à Porto, c’est une ville magnifique ou il règne une ambiance festive et moderne et pourtant on pourrait se croire dans les années 20. Et puis il faut gouter la Francesinha !

  2. Bouisson

    Nostalgique et sensuel. Il nous parle des générations qui se succèdent. Jaime Ramos aime la littérature russe et est un fin psychologue et stratège dans ses rapports aux autres. L’histoire du Portugal circule dans ce roman comme un cours d’eau.
    Il est aussi question de rapports a l’espace d’attachement aux lieux, a la géographie, aux maisons, aux villes et il est aussi question d’exil et de nomadisme. De projet de vie et de classe sociale. Et d’amour. Un très très bon moment, qui ouvre des portes vers d’autres livres.

    • clete

      C’est joliment dit madame. Merci pour ce commentaire.

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