« Le bon père » est le quatrième roman de l’auteur américain Noah Hawley paru en 2012 aux USA et édité chez nous en 2013 par la SN. Son nouveau roman « After the fall » est sorti au printemps outre atlantique et espérons sans en doûter une seule seconde qu’Aurélien Masson en fera bientôt profiter les lecteurs de sa collection.
Noah Hawley, depuis un ou deux ans, a atteint une grande renommée aux USA en temps que scénariste car après avoir travaillé sur des séries comme « Bones », il est devenu en 2014, le créateur et réalisateur de la somptueuse série « FARGO » que tous les amateurs de Noir se doivent d’avoir vu et dont la troisième saison est prévue pour 2017,tout comme son autre projet très attendu des fans de super-héros, « Légion ».
Paul Allen, la cinquantaine fringante, est un rhumatologue de premier plan à New York. Il s’est remarié avec Fran avec qui il a eu des jumeaux aujourd’hui âgés de 10 ans. Réussite sociale et réussite familiale font de Paul un homme heureux. Le jeudi, tradition familiale, c’est la soirée pizzas maison et toute la famille réunie s’affaire dans la bonne humeur dans la cuisine. On imagine un drapeau américain qui claque quelque part dans le jardin, du Springsteen qui flotte dans la pièce, le labrador couché la tête posée sur ses pattes.
La télé qui bourdonne, dans un coin, va briser ces instants de bonheur simple. A l’écran, apparaissent les images d’un meeting à L.A. de l’idole de l’Amérique, le futur président des USA, l’espoir de toute la nation, le démocrate Jay Seagram. Le futur homme fort du pays est assassiné en direct par un jeune homme blanc vite appréhendé par les services de sécurité au moment où il voulait s’enfuir en profitant de la panique qu’il avait déclenchée.
Et là, tout bascule dans l’horreur quand, quelques minutes après, les services secrets sonnent à la porte pour emmener le Dr Allen à fin d’interrogatoire puisque le tueur identifié, c’est son fils issu d’un premier mariage. Daniel, âgé de 20 ans, qui a surtout vécu avec sa mère et qui a lâché l’université un an plus tôt pour traverser le pays à bord d’une vieille Honda, est un jeune homme discret, un peu rêveur, un peu paumé et parfaitement inoffensif.
A partir de cet instant tous les valeurs du docteur Allen, toutes ses certitudes disparaissent. Tout son univers s’écroule. Dans ces premières heures vont se succéder la surprise, l’étonnement, l’abattement, la colère et l’incrédulité. Mais, dès la première heure, ce qui va dominer et pour de nombreux mois, c’est la détermination et la volonté de sauver son fils.
C’est le combat d’un père qui est décrit ici. La culpabilité qui s’empare de Paul Allen, ses recherches minutieuses et parfois futiles, ses théories de complot, ses espoirs souvent déçus, sa détresse extrême quand il pense qu’il va échouer, ce lien ténu qu’il entretient avec son fils pour connaître la vérité, tout cela est si brillamment décrit qu’au bout d’un moment, on fait corps avec lui et on espère qu’il réussisse. Hawley va nous faire revivre avec tendresse les moments sympas entre l’enfant et son père, des heures complices, tous ces moments somme toute très anodins mais qui avaient finalement maintenant le goût des jours heureux.
Tous les pères seront troublés à la lecture de ce roman qui ne cesse de vous interroger et de vous troubler bien longtemps après en avoir terminé la lecture. On peut le comparer au très intelligent « feuilles mortes » de Thomas H. Cook où un père essaye d’innocenter son fils accusé d’avoir tué une petite fille durant un baby-baby-sitting. Mais, le roman de Hawley est plus universel, car ici, ce n’est pas la communauté locale qui le juge en tant que père d’assassin mais c’est toute l’Amérique qui le traîne dans la boue. Et il continue malgré l’adversité, malgré les évidences. Tenter à tout prix de comprendre l’inconcevable, ce qui veut dire finalement l’accepter, voilà l’enfer infligé à Paul Allen.
Il est surprenant de voir ce roman catalogué de thriller sur la quatrième de couverture. C’est vraiment autre chose s’il se lit comme un thriller, d’une traite car il est bien difficile de s’arrêter : peu d’action mais tellement d’attentes, d’espoirs.
Pour moi, un très grand roman, talentueux, éprouvant et… tellement d’autres choses mais qu’il faut taire…
Une lecture la gorge serrée, un nœud au ventre avec une fin bouleversante aussi réussie que le dernier chapitre de « lunar park » de Brett Easton Ellis, c’est dire !
Paternel.
Wollanup.
Pour ceux qui sont intéressés, j’avais interviewé l’auteur au moment de la sortie du roman. L’interview est en ligne ici http://fr.feedbooks.com/interview/189
Merci Bernard.