TRADUCTION: Morgane Saysana.
Le roman noir ricain, valeur refuge du monde de l’édition. Agullo, accroche un deuxième auteur américain à son catalogue, Joe Meno. Un inconnu pour moi, donc toujours une bonne chose de découvrir l’univers d’un auteur et gageons que chez Agullo, ils n’ont pas traversé l’Atlantique pour nous ramener une brêle.
« Alors qu’il s’enfuit après un petit braquage, Luce Lemay perd le contrôle de sa voiture et renverse un landau ; le bébé qui y dormait est tué sur le coup. Trois ans plus tard, il sort de prison et revient dans sa ville natale de La Harpie, Illinois où il retrouve Junior Breen, un ami ex-taulard, colosse au grand cœur. Tous deux s’efforcent de rester sur le droit chemin, mais les choses se gâtent quand Luce tombe amoureux de la belle Charlene, toujours harcelée par sa brute épaisse d’ex-fiancé; et tournent à l’aigre quand les rednecks de la ville apprennent le passé criminel des deux amis. Luce et Junior parviendront-ils à échapper à la violence qui semble les poursuivre quoi qu’ils fassent ? »
Que ceux qui fuient en hurlant qu’ils en ont assez de ces histoires sur le thème de la rédemption chère aux auteurs américains restent encore un instant. Bien sûr, ce genre d’histoires, et je sais que je me répète, on l’a déjà lue, contée avec plus ou moins de talent, écrite avec plus ou moins de conviction, animée ou pas d’une grande hauteur d’âme. Bien sûr, bien sûr. L ‘utilisation dans le résumé du terme hyper à la mode de « redneck » quand moi, je n’y ai vu que des sales cons bien ordinaires, peut navrer aussi et faire penser à un autre roman qui surfe sur cette vague de polars plus ou moins violents, plus ou moins boiteux, plus ou moins réussis, faisant de l’Amérique des campagnes une immense cour des Miracles. Et pourtant, Le blues de la Harpie, sans être un chef d’œuvre, loin de là quand même, a de nombreux atouts incitant à la lecture de ce roman dont l’histoire se déroule dans l’Illinois.
Dès le départ, le bilan de la région est assez déprimant : chômage, énorme ennui de la jeunesse tentant à tous les prix de quitter ce territoire livré à lui-même par l’Etat. Développant son intrigue de manière assez lente mais originale, Joe Meno montre l’envers du décor sans démonstration massive des trafics et de la dangerosité de la population indigène, plutôt déprimée et un peu à l’ouest pour beaucoup.
S’opposant aux schémas classiques avec flics pourris et jungle locale la bave aux lèvres voulant se débarrasser des deux taulards, Meno montre plutôt une communauté abrutie par la récession et le non emploi mais ne manifestant pas une réelle agressivité vis-à-vis de Luce et Junior. C’est plutôt la surprise, la stupéfaction qui se lisent dans les regards comme dans les réflexions des habitants de la Harpie quand ils apprennent que Luce est revenu pour vivre sur les lieux de son crime, de sa faute.
« le blues de la Harpie » séduira aussi par ses personnages de Luce et de Junior, animés par une grande amitié et une envie furieuse de recommencer leur vie. Par l’analyse de la psychologie des deux compères ainsi que de Charlene dont tombe amoureux Luce, Meno mène le livre vers une gravité loin des artifices plombants. Surtout, c’est cette ambiance générale déprimée, la résignation et le fatalisme ambiant qui créent une atmosphère lourde qui fait craindre toujours le pire pour Luce.
Luce s’apercevra très vite qu’on n’échappe pas à son passé et l’horizon va vite s’assombrir pour lui, pauvre môme, qui n’a pas vraiment conscience de la nocivité de ses agissements quand il veut jouer les héros au grand cœur, les redresseurs de torts. Luce n’est pas un héros, juste un type qui a fait une énorme connerie un jour et qui tente de revivre normalement.
Se situant bien dans l’univers des romans noirs de qualité, « Le blues de la harpie » interroge aussi sur la réinsertion des condamnés, sur le pardon et montre la difficulté de vivre à nouveau comme tout le monde quand on a déjà payé pour sa faute. Peut-on effacer son ardoise?
Solide !
Wollanup.
ça donne envie ! et Walk the line , trop bon pour bien commencer la journée !
J’aurais pu être plus pointu dans la zik mais c’est bien l’ ambiance de ce roman.
S’il faut écouter Johnny Cash en même temps que de lire le blues de la harpie, je signe tout de suite. C’est le genre d’ambiance qui me plait, Johnny et sa guitare, Johnny walk on the line…
Ouais, c’est l’ambiance qui convient bien, il me semble.Cash, Jason Isbell, Drive by Truckers…
Je ne connais pas ce Jason Isbell, va falloir que je découvre. Par contre les Drive-by Truckers, ça oui ! ça me donne envie de chausser des santiags et de taper du pied dans la poussière 😀
Jason Isbell est un ancien membre de Drive by Truckers qui a eu de gros problèmes d’addiction et qui maintenant développe, avec succès et talent, une carrière solo.