« Depuis qu’il est sans travail, Philippe passe ses journées à attendre. Attendre que Lucas, son fils de seize ans, rentre du lycée, attendre que sa femme termine sa journée de travail. Il n’y a guère que les dîners du dimanche avec ses copains du hameau, la chasse et la perspective d’y initier son fils qui rompent le fil des jours.
Lorsque Julien, un Parisien venu se terrer dans la maison d’en face, débarque, la vie de Philippe bascule. Il se met à épier ce voisin qui le fascine et l’obsède, cherche à le faire accepter de son entourage qui s’en méfie.
Tout au bonheur de se sentir à nouveau vivant et utile, et d’exister pour son fils et ce voisin novice, Philippe ne voit pas poindre le drame. «
Le titre n’a rien de poétique, l’âme d’un fusil est le diamètre intérieur du canon.
A Courcy Aux Loges on chasse et on aime ça.
Une campagne abandonnée, c’est même pas la France périphérique Courcy Aux Loges dans le Loiret, du côté de Pithiviers. Un homme met son histoire par écrit, Philippe, âgé de 45-50 ans au moment de l’histoire, après la fin de droits le voilà au RSA, marié à une femme qui travaille tard, père d’un fils avec qui les liens se distendent ; la chasse le maintient vivant quand le reste s’effondre.
Elsa Marpeau raconte le déclassement, un mot bien agréable comparé à la vérité subie : rejet serait plus juste. Christophe Guilluy ou Florence Aubenas ont déjà décrit cette France plus ou moins jaune loin de tout et de Paris, Elsa Marpeau nous la renvoie vivante, comme crue, avec justesse, presque tendresse.
Elle parle d' »hommes périphériques« , devenus préhistoriques devant la société, tellement loin de la modernité, tellement inutiles. Ce qui change de plusieurs de ses romans précédents où les personnages principaux sont des héroïnes.
« …Mais moi, j’en suis fier de notre petitesse. Je suis fier de n’être que cela. Et quand je vois la médiocrité des connards qui nous gouvernent, je refuse d’avoir honte. Je me tiens la tête haute, je ne prétends pas savoir ce que j’ignore et je ne crache pas sur les braves gens en leur disant qu’ils n’ont qu’à traverser le trottoir pour trouver du boulot…«
Arrive Julien, le nouveau d’à côté, que notre homme imagine comme un Alexandre le bienheureux, ce voisin ne connaît rien à la vie campagnarde ni à la chasse, par contre il aimante, attire. Julien : parisien avec Alfa Romeo et visage d’ange, fragile et enfantin, qui ne fait rien de ses journées, se baigne à poil au lac, etc. Cocaïnomane également. Philippe l’observe du coin de l’œil, puis à la jumelle, le regarde puis devient voyeur. Julien est une sorte de Johnny Depp pantelant qui devient le perturbateur de la vie de Philippe et de ses potes.
Et c’est un peu là que le roman dérape, se perd vers le milieu. Si on comprend bien que l’intrusion du voisin est un déclencheur, il y a trop de longs passages qui finissent par lasser. Ce qui pourrait passer pour des maladresses de celui qui se confie se transforme rapidement en digressions et ça gâche un peu. Qu’apporte à l’histoire ce long souvenir de chasse au blaireau par exemple ?
En revanche ce qu’Elsa Marpeau fait de son Philippe est intéressant, ce gars un peu balourd qui se pense plouc se révèle bien complexe au long de sa confession. Rien d’ambigu mais l’amour qu’il porte aux autres dans « L’âme du fusil » surprend à plus d’un titre et c’est l’intérêt principal du livre avec la remarquable description de l’évolution des liens entre Philippe et son fils.
Malgré tout j’ai l’impression qu’Elsa Marpeau a voulu coudre plusieurs écrits ensemble pour rallonger son texte. C’est un peu dommage, une longue nouvelle, une centaine de pages avec un texte bien serré aurait été plus percutant que ce roman en demi-teinte.
NicoTag
PS/ Etre un plouc comme dit Philippe dans le roman n’a rien de déshonorant, en voici un qui le revendique : Seasick Steve !
Laisser un commentaire