Jean-Patrick Manchette est mort il y a vingt-cinq ans le 3 juin et la Série Noire célèbre sa mémoire cette année en ressortant son premier roman édité dans la collection “L’affaire n’Gustro”. L’auteur a été, dans les années 70 et 80, le symbole d’un mouvement néo polar en France animé d’une forte coloration politique rouge.
Issu des mouvements d’extrême gauche, Manchette a beaucoup écrit sur la politique, sur ses remous, sur les zones d’ombre de la cinquième république dans des polars bien troussés, violents et assez minimalistes comme motivés par une certaine urgence.
Dans un petit texte en début du roman Nicolas le Flahec explique sa fascination pour ce roman, son périple pour arriver dans la collection de Marcel Duhamel. C’est un épisode de l’histoire post coloniale qui a inspiré Manchette, l’enlèvement et l’assassinat de Ben Barka, un dissident marocain gênant pour le pouvoir.
« Qui est Henri Butron, petit malfrat et grand salaud, sympathisant d’extrême droite par défaut, en mal d’argent et de gloire? Comment cet homme, aujourd’hui traîné dans la boue et conspué par ceux qui ont eu le malheur de croiser sa route, s’est retrouvé en affaire avec le dissident N’Gustro, leader tiers-mondiste enlevé puis exécuté à Paris? À se frotter de trop près aux complots des autres, on se met en danger. Butron l’aura payé de sa vie. Il a cependant le bon goût de laisser derrière lui un enregistrement racontant son parcours, ses méfaits et de quelle manière il se retrouva lié à «l’affaire N’Gustro». »
L’intrigue est vue dans le prisme de Henri Butron, petit branleur et grand facho à une époque où ce genre d’engeance n’avait pas vraiment pignon sur rue et lucarne à la tv. On est dans la France de De Gaulle devenu un héros récemment pour toute la classe politique française, à court d’idées. Lu, il y a de nombreuses années, “L’affaire n’Gustro” semble, à sa relecture comme une photographie d’une France si proche et finalement si éloignée. Il est certain que les lecteurs les plus jeunes n’entreront pas sans effort dans ce monde de barbouzes et de l’OAS.
Parallèlement les éditions de la Table ronde éditent “Manchette Lettres du mauvais temps, correspondance 1977-1980 regroupant les courriers adressés par Manchette à des auteurs connus et à d’autres déjà oubliés. Signalons Ellroy, Bilal, Paco Ignacio Taibo II, Robin Cook, Westlake, Ross Thomas. C’est intéressant et en même temps cela s’adresse à des spécialistes de l’auteur comme à de lecteurs chevronnés de polars déjà très datés. Ceci dit, c’est un passage obligé pour tout amateur de Manchette comme de Noir.
Enfin, signalons, toujours à La Table Ronde”, “Play it again Dupont” qui regroupe les chroniques de Manchette portant sur les jeux sortis entre 77 et 80 pour le mensuel Métal Hurlant. Là, seuls les fans absolus de l’auteur trouveront leur compte dans ce petit ouvrage sympa mais sacrément obsolète.
Dans tous les cas, lire Manchette est et restera un passage obligatoire pour qui s’intéresse au polar en général et au polar français en particulier.
Clete.
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