Traduction: Patricia Barbe-Girault.

“Rowan Petty est un escroc à bout de souffle. Quand il n’arnaque pas des veuves esseulées, il triche au poker. Sa femme l’a quitté pour un autre escroc, sa fille ne lui parle plus depuis sept ans, et même sa voiture l’a planté… Jusqu’au jour où une vieille connaissance lui propose une dernière chance : filer à L.A. où des soldats en poste en Afghanistan auraient planqué deux millions de dollars détournés. En compagnie de Tinafey, une sublime prostituée lasse de tapiner et avide d’aventures, il file en direction du Sud. Un jeu dangereux commence auquel vont se retrouver mêlés un vétérinaire blessé, un acteur fini, et la fille de Petty. Pour le gagnant : une fortune. Pour le perdant : une balle dans la tête.”

Richard Lange est originaire de Los Angeles et c’est la mégalopole californienne qu’il décrit ici comme souvent dans ses romans. Auteur d’un très très bon “Angel baby” en 2015, il retourne dans une veine noire qui lui avait si bien réussi. Un peu le mouton noir de la collection Terres d’Amérique, il s’y illustre par son net penchant pour des intrigues policières même si c’est très réducteur de le placer dans ce cadre. Francis Geffard, le grand découvreur de talents ricains, ne fait pas de différence entre littérature et littérature noire dans ses choix éditoriaux, ses coups de coeur. Il privilégie toujours des écrits où est visible une certaine humanité des personnages et vis à vis d’eux, comme une capacité à montrer, raconter l’Amérique, la vie des gens, leurs choix difficiles voire impossibles. Richard Lange, c’est un peu un Willy Vlautin qui sortirait les flingues.

“Quarante ans qu’il était sur Terre, et qu’est-ce qu’il avait accompli? Sa vie se résumait à un mariage raté, une fille qui se droguait et des cartes de crédit sur lesquelles il avait atteint le maximum autorisé. Dès qu’il arrivait à faire un peu d’économies, il les reperdait en jouant au poker. Pour couronner le tout, son plus gros coup à ce jour avait fait pschitt et il avait réussi l’exploit de se rendre complice d’un meurtre. Quelque part, il y avait quelqu’un qui devait bien se marrer à ses dépens.Pour autant, il n’était pas encore prêt à jeter l’éponge. Ça n’avait jamais été son truc, de baisser les bras. Il fallait se regarder dans la glace sans concession, se demander qui, quoi et pourquoi, mais ne pas se laisser plomber par les réponses.”

Dans le décor de la Cité des Anges, celle des losers, des paumés, des cramés, des tarés, des ratés, des résignés et des toxicos… Rowan Petty a beaucoup à perdre et, tout d’abord, tout simplement, sa vie. Et on adhère, on le suit tellement il ressemble au pote qu’on aimerait avoir. Le pro de la petite arnaque, Rowan Petty s’est fait salement pigeonner par un mec qu’il a formé et les mauvaises vibrations et les sales profils arrivent en force tandis qu’au niveau des sentiments, il vit aussi des trucs méchants.

Tous les voyants sont au rouge, mauvais karma, mauvais alignement des planètes, bad trip, chaos total… poisse, scoumoune.

Se sortir d’un bordel sans nom à L.A…“ La dernière chance de Rowan Petty”?Sauver sa peau…“ La dernière chance de Rowan Petty”? Retrouver sa fille…“ La dernière chance de Rowan Petty”?“ Mettre la main sur le magot… “ La dernière chance de Rowan Petty”? Semer les chacals et les chiens… “ La dernière chance de Rowan Petty”?
Tomber amoureux…“ La dernière chance de Rowan Petty”? Se ranger enfin… “ La dernière chance de Rowan Petty”?

“ La dernière chance de Rowan Petty” possède une intrigue parfaitement menée et révélant plusieurs moments brûlants, flippants mais ce développement polardesque est aussi pour Lange l’occasion de continuer d’évoquer et de développer sur le sentiment de parentalité. Ayant déjà axé “Angel Baby” sur l’aspect maternel, il développe son propos mais en se focalisant plus sur son pendant paternel, sur la douleur de la culpabilité, sur la honte de l’abandon, sur les petites trahisons mesquines…

Beaucoup de beaux et touchants personnages, de héros oubliés, de types déjà à terre, on sent chez Lange un grand sens de l’observation de ses contemporains et une immense empathie pour l’autre, celui qu’on voit moins ou plus… ici et surtout là-bas, dans l’inhumanité d’un système de santé ricain honteux.

“A tous les chanceux et les malchanceux, les escrocs et les escroqués, les vivants et les morts. A tous.”

Grand auteur, grand roman et un Rowan Petty inoubliable.

Wollanup.