Desarmadero

Traduction: Lise Belperron

L’Argentine Eugenia Almeida avait montré bien du talent dès son premier roman “L’autobus”. On la retrouve quelques années plus tard avec bonheur dans un roman furieux et intelligemment monté. Dans son premier opus, elle montrait comment un simple petit changement, un autobus qui ne s’arrête plus, pouvait désorganiser un petit village perdu du fin fond du pays. La thématique est quasiment identique dans “La casse” et la réussite, en se déplaçant de la pampa vers la ville, elle, s’avère encore plus impressionnante

“« Deux petits cons qui se bourrent la gueule et qui tout à coup ont envie de foutre la merde. Comme ça, pour rien. Et qui tuent. Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Moi je n’ai fait que te protéger. » Et il a tué les gamins.”

Et c’est le début du foutoir. Dans cette ville existe une délinquance qui fonctionne bien, une économie de la misère bien structurée de la rue jusqu’aux plus hautes instances et tout le monde en croque un peu. Les magouilles engraissent certains, toujours les mêmes aux quatre coins de la planète, et permet aux autres d’un peu mieux survivre. Mais, un acte malheureux, une initiative non réfléchie va provoquer un gros dawa. Le grain de sable dans l’engrenage, l’effet papillon, le château de cartes, l’effet domino, les images sont nombreuses… et tout fout le camp, s’en va à vau l’eau, part en couilles, en cacahuètes, en distribil, toute une chaîne d’événements qui se suivent les uns les autres et dont le précédent influe sur le suivant dans un crescendo infernal et violent.

Eugenia Almeida insuffle un rythme infernal à son roman, le dépouillant de tout ce qui lui semble inutile, superflu, une vraie réussite qui aurait sûrement beaucoup plu à Elmore Leonard. L’émotion et un humour bien noir sont aussi au rendez-vous. Rappelant parfois le meilleur des polars du Chilien Boris Quercia de la trilogie Santiago Quiñones, “La casse”, moins de deux cents pages, doit se consommer en “one shot” pour apprécier les prouesses d’une auteure qui cogne très dur. Les temps morts sont absents, les personnages souvent réduits à leurs paroles, une urgence nécessitant une réelle attention pour comprendre l’intrigue et apprécier les multiples et superbes fulgurances d’un roman furieusement noir et létal.

Clete.