Traduction: Marianne Millon.

Afrique du Nord à la fin des années 1950 : une ambiance en noir et blanc, à la « Casablanca », l’Algérie est en ébullition, le Maroc a des velléités d’indépendance, les ambassades bruissent de manoeuvres et d’intrigues. C’est dans ce cadre suranné que se déploie une histoire d’amitié et de trahison entre deux jeunes phalangistes dans le protectorat espagnol de Tétouan, au cœur du Rif occidental. Quelques 70 ans plus tard, un manuscrit surgit chez un libraire madrilène qui rétablit la vérité de l’histoire mais commence par cet impossible constat : « Je suis mort. On m’a tué un jour de septembre 1957 d’une balle dans la tête ».

La réputation de l’Espagnol José Carlos Somoza dans le domaine de la littérature fantastique n’est plus à faire et donc c’est avec une grande curiosité qu’on embarque avec lui dans son virage vers le roman historique et d’espionnage. Un auteur expérimenté qu’on apprécie, une genre apprécié et une couverture superbe signée Loustal, tous les clignotants sont au vert.

On a tous des mauvaises expériences de lecture qui sont souvent le résultat d’une obstination, malgré des signaux pourtant très visibles comme le le manque d’entrain, les escapades incessantes vers Internet pour tenter de comprendre de quoi on cause, des personnages dont on se fout complètement et dont la moralité, dès le départ, vous gêne, des annonces de tragédies qu’on ne verra jamais venir… 

Roman gigogne, “L’origine du mal” bénéficie de la belle plume de Somoza. Durant les trois quarts du roman, c’est Angel Carvajal qui raconte sa vie et sa mort, depuis son engagement dans la Phalange en 36 jusqu’à sa mort en 57, militaire et espion franquiste, exécuté dans le rif marocain. Les soixante dernières pages, elles, nettement moins ennuyeuses mais totalement abracadabrantes, racontent l’enquête d’un écrivain pour comprendre cette histoire. Le manuscrit autobiographique en question est raconté par un Carvajal, chrétien de droite, entré dans l’organisation fasciste sans savoir vraiment pourquoi, ce qui ne l’empêchera pas de rester un facho toute sa vie.

Alors, tout n’est pas condamnable dans “L’origine du mal” . Si on met de côté l’ennui créé par des personnages sans aucun relief et une histoire qui apparaît  totalement obscure si vous ne connaissez pas de bons rudiments d’histoire espagnole, il reste le cadre de la période de la décolonisation du Maroc et de l’Algérie et des luttes d’influence des grands du monde pour avoir leur part du gâteau à l’heure de l’indépendance. Certaines jolies considérations sur les soldats de l’ombre ne sauveront néanmoins pas un roman qui s’enlise dans une histoire d’espionnage, d’amitié et de trahison, volontairement ou involontairement cryptée… On est très loin de la réussite d’un Javier Cercas, autre auteur espagnol chez Actes Sud, sorti de sa zone de confort cette année pour offrir un superbe “Terra Alta” mêlant intelligemment  Histoire et polar.

Il est très difficile d’imaginer Somoza persister dans cette voie du roman historique, dans tous les cas, il le fera sans moi. Bref, si vous appréciez Somoza, fuyez et si vous aimez l’espionnage, vous pouvez aisément passer votre chemin

Interminable.

Clete.