Winter Counts
Traduction: Sophie Aslanides.
Les romans traitant des Amérindiens sont souvent couronnés de succès chez nous. Quand ils sont écrits par des Indiens, on peut même penser qu’ils apportent des éléments crédibles sur la situation actuelle des populations dans les villes comme dans les réserves. Celui-ci, premier roman de David Heska Wanbli Weiden, ancien avocat, membre de la Nation lakota sicangu, devrait lui aussi avoir une belle carrière chez nous, débarquant dans les librairies accompagné des louanges de Tommy Orange très justifiées, d’une Oprah Winfey certainement sous stupéfiants quand elle cite comme référence Hammett, et de Louise Erdrich dont nous parlerons bientôt.
Nominé pour Prix Goodreads du meilleur premier roman policier et parmi les meilleurs livres 2020 du Publishers Weekly, “Justice indienne”, écrit par un Lakota de surcroît avocat de formation et débarquant dans l’excellence Gallmeister a de quoi séduire… sur le papier.
“Sur la réserve indienne de Rosebud, dans le Dakota du Sud, le système légal américain refuse d’enquêter sur la plupart des crimes, et la police tribale dispose de peu de moyens. Aussi les pires abus restent-ils souvent impunis. C’est là qu’intervient Virgil Wounded Horse, justicier autoproclamé qui loue ses gros bras pour quelques billets. En réalité, il prend ses missions à cœur et distille une violence réfléchie pour venger les plus défavorisés. Lorsqu’une nouvelle drogue frappe la communauté et sa propre famille, Virgil en fait une affaire personnelle. Accompagné de son ex-petite amie, il part sur la piste des responsables de ce trafic ravageur. Tiraillé entre traditions amérindiennes et modernité, il devra accepter la sagesse de ses ancêtres pour parvenir à ses fins.”
Si le monde des réserves indiennes aux USA reste un univers assez peu connu, « Justice indienne” sera un livre précieux pour ceux qui veulent le connaître ou qui aiment la culture indienne sans folklore, sa société décrite sans fard. On comprend très bien dès le début que l’auteur connaît son affaire et a analysé les réserves indiennes et plus particulièrement cet espace lakota du Dakota du sud. Dans cet univers marginal, se dégage aussi une justice propre, résultat des carences des institutions fédérales qui se moquent peu ou prou de la délinquance et de la criminalité dans les réserves. A Rosebud, Virgil Wounded Horse administre la justice indienne contre espèces trébuchantes et le démarrage ressemble à une démonstration de justice violente à la Burke dans la dernière pôvre aventure de Robicheaux.
Signalé comme une nouvelle plume du polar par l’éditeur, David Heska Wanbli Weiden montre ainsi d’emblée la couleur d’un roman qui sent bon le hard boiled et puis paf, plus rien. L’aspect polar se désintègre très rapidement et le reste n’intéressera pas les amateurs de polars tant il est cousu de fil blanc, très prévisible et peu crédible. L’action reprend dans le dernier quart du bouquin avec un coup de théâtre qui tient presque la route et un duel final épique. Mais le mal est fait depuis trop longtemps et si la lecture des actes d’héroïsme de personnes de la réserve perpétuant les traditions ou s’employant à aider leurs compagnons d’infortune est instructive, elle peut lasser. Pareillement, les multiples hommages très appuyés à la culture et à l’histoire lakota (on remontera ainsi exagérément jusqu’à Wounded Knee… ) ont un intérêt, mais n’en demeurent pas moins complètement inutiles à l’intrigue (parfois même complètement à l’ouest avec des pages consacrées à la gastronomie lakota). Tous ces éléments relèguent l’enquête au second voire au troisième plan.
Si l’affaire est résolue et si Virgil est bien devant l’affreuse tentation de l’auto justice, tout ceci montre néanmoins une maîtrise du polar un peu juste et je suis certain que l’auteur écrira d’autres romans que j’aurai plaisir à lire mais il est certain aussi que ce ne sera plus des polars.
Convenu.
Clete.
PS: Tony Hillerman n’était peut-être pas indien mais ”Coyote attend”, “Les voleurs de temps”… c’était des grands polars.
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