Traduction : Valérie Bourgeois.

C’est le troisième roman de Lori Roy. Après «  Bent road » situé en 1967, « De si charmantes épouses » situé en 1958, Lori Roy remonte encore un peu plus dans le temps avec ce roman oscillant entre deux époques : 1936 et 1952. Il a reçu le prix Edgar du meilleur roman policier.

« Tout le monde sait qu’il n’y a rien après les champs de lavande des Holleran, si ce n’est la propriété des Baine. Et tout le monde sait aussi que Juna est à l’origine de la haine entre les deux familles.

Tout a commencé en 1936 dans la petite ville du Kentucky. Avant qu’il ne rencontre Juna, Joseph Carl était le meilleur des frères Baine. Mais cette année-là, elle a posé ses yeux noirs ensorceleurs sur lui. Et le pire est arrivé.

Vingt ans plus tard, Annie Holleran, la jeune nièce de Juna, s’aventure en zone interdite. Lorsque minuit retentit, elle scrute la surface de l’eau du puits sur le domaine des Baine, pensant, selon une vieille légende, pouvoir y lire son avenir. Mais au lieu de son futur amoureux, elle découvre, avec horreur, un cadavre. Et si cette mort annonçait le retour tant redouté de Juna ? Annie craint qu’une menace rôde de nouveau sur leurs familles, inexorablement liées par les secrets sanglants qui hantent leurs terres. »

On est dans le Kentucky profond au milieu de plantations de tabac où la vie est dure. C’est un monde paysan, peu évolué, religieux mais où règnent également des superstitions et des rites dignes du moyen-âge. Cela concerne principalement les femmes : ici, quand elles ont quinze ans et demi,  les filles vont à minuit se pencher au-dessus d’un puits pour y découvrir le visage de leur futur mari. Et puis il y a le « Don » que certaines se transmettent de mère en fille, un don qui permet de voir les choses à l’avance et qui effraie tout le monde. Lori Roy nous propose un éclairage inhabituel, s’appuyant sur les femmes qui sont les personnages centraux de cette histoire et sur ces croyances populaires et donne à son roman un ton bien particulier.

Lori Roy construit son roman en racontant l’histoire de deux générations de femmes à deux époques différentes. En 1952 elle suit Annie Holleran, jeune adolescente qui découvre un cadavre le jour de son « élévation » ;  en 1936, c’est l’histoire de sa mère Sarah et de sa tante Juna, et là c’est Sarah la narratrice. Lori Roy entremêle les deux histoires avec un grand talent, la voix de la mère dévoilant peu à peu les secrets qui n’en finissent pas de provoquer  le malheur, notamment celui de la fille. Deux histoires sombres, deux enquêtes qui se nourrissent l’une l’autre dans une atmosphère étrange de malédiction qui plane sur la famille.

Les secrets les mieux cachés finissent toujours par réapparaître surtout quand ils concernent un drame au retentissement énorme. Tous les protagonistes ou presque sont encore là car peu de gens ont quitté cette petite communauté où les haines, les ressentiments et les préjugés ont la peau dure. Si Lori Roy s’est appuyée sur un fait réel, la dernière pendaison publique a bien eu lieu dans le Kentucky en 1936, elle en a changé toutes les circonstances et ne l’utilise que comme un élément de décor.

Lori Roy nous offre de beaux personnages, des femmes en particulier car si les personnages masculins existent dans cette histoire, ils sont plutôt en arrière-plan qu’ils soient dangereux ou protecteurs. Les femmes sont fortes, intelligentes, vivantes, composées dans une écriture ciselée avec toutes les nuances : du tendre au monstrueux, de la douceur à la révolte. Elles sont au centre dans cette histoire familiale, elles la construisent, la subissent, la transmettent…

Dans toute cette noirceur l’amour existe, l’amour des mères, des sœurs, l’amour tout court et parfois permet la rédemption.

Un livre tout simplement magnifique !

Raccoon.

La chanson qui a inspiré Lori Roy, c’est le titre original du roman.