Telle une pièce de théâtre en cinq actes, la trajectoire de Boris dans sa quête d’histoire familiale nous embarquera dans un périple aux villégiatures contrastées, pavé de surprises et de virages inattendus.

« Boris Sieger est un employé de mairie attaché à sa vie ordinaire. Parfois, il passe la nuit avec le fils de sa vieille concierge. C’est à peu près tout ce qui constitue sa vie sociale jusqu’au jour où il croise Oussama, dit Oussa – c’est plus facile à porter –, un atypique jeune de banlieue parisienne. Boris se découvre grâce à lui un possible frère… parti faire le djihad. Son existence suscite en Boris de nombreuses questions, à commencer par la plus douloureuse : où est-elle passée, cette mère qui l’a abandonné quand il n’était qu’un enfant ? Où est-elle, cette disparue de Honfleur, la ville d’Erik Satie, dont les Gymnopédies semblent rythmer toute cette intrigue ? C’est le début du voyage pour Boris et Oussa, périple qui les mènera jusqu’à Kémal Fadil, un commissaire oranais.

Au programme des réjouissances, médecine chamanique et rituels de sorcellerie maghrébine, secrets de famille et questionnement identitaire. »

L’ enchaînement des quatre premières parties semble distinct mais la cinquième partie recollera les pièces du puzzle. Ahmad Tiab tisse avec virtuosité les méandres d’une lignée familiale et d’une fratrie insoupçonnée. Son style chaleureux, impressionniste, teinté d’un humour discret abonde dans cette volonté de transporter son lectorat dans son récit « zig-zag ». D’ un point géographique initial algérien, Oran en particulier, on est successivement accompagné à Paris, Honfleur et sa côte fleurie où l’ombre d’Erik Satie flotte, la Turquie point d’accolement, frontalière aux engagés du Califat.

Cette recherche viscérale des liens de filiation soulève des rideaux opaques d’un passé trouble. Le personnage principal du récit qu’est Boris, présente les contours d’un caractère faisant fi des codes actuels et ne se projetant pas dans une volonté d’existence prédéterminée. Il vogue dans sa vie au gré de ses envies, de ses pulsions, et n’entrevoit pas son futur dans une logique réfléchie mais bien dans celle d’un passé révélé. On assiste aux rencontres  inattendues de personnages symptomatiques de nos sociétés actuelles et sous couvert d’une actualité brûlante touchons des problématiques cruciales de l’état social, sociétal, géopolitique d’un monde sur le fil du rasoir. Nul n’est prophète en son pays et la découverte de racines confinées délivrera un message fort sur l’intemporalité et le symbole fictif de frontières géographiques mais tout aussi morales.

Tiab possède cette faculté de conteur qui s’affranchit du carcan d’une structure narrative lisse et banale. La cohérence de son récit s’affiche en fin de course mais est bien présente tout au long de celui-ci. On se prend d’affection pour les protagonistes de cette épopée dans le temps et dans les lieux visités. Et, à mes yeux, ils possèdent tous un attribut, une qualité communs de sincérité dans leur engagement respectif.

Plaisir de lecture sans fard révélant un récit dont on est fier d’avoir partagé des routes et des personnages entiers.

Chouchou.