“ Lorsque Claudette Espatouffier s’abattit, les bras en croix, sur l’étalage de sa baraque à santons, quelques esprits tordus rapprochèrent stupidement ce spectacle macabre des images des vaches folles qui avaient tant effrayé la France du début des années 2000. C’était sans doute la gesticulation grotesque de la matrone avant qu’elle ne chute, plus encore que sa corpulence naturellement bovine, qui fit resurgir ces angoissants clichés des cerveaux plus ou moins anisés des badauds.Ces derniers s’en voulurent aussitôt : il y avait quand même mort de femme !”


Un colloque sur la vérité historique, cinq victimes de coups de feu dans un marché de Noël, un journaliste spécialiste des complots et conspirations en tous genres, des paquets de cocaïne qui s’échouent sur le littoral marseillais et un groupe de flics chapeautés par un guignol échappé d’une mauvaise série de France 3. Voilà les ingrédients du dernier roman de Maurice Gouiran,  Et dire qu’il y a encore des cons qui croient que la Terre est ronde ! .

Après une présentation en une poignée de chapitres, le livre resserre l’action autour de la capitaine Emma Govgaline, chargée de l’enquête sur les assassinats. Trois des victimes sont des invités du colloque où ils devaient présenter des études historiques farfelues, les deux autres semblent être des victimes collatérales. Quant à la cocaïne échouée elle revient dans le livre un peu après quand des jeunes de la bourgeoisie locale sont retrouvés morts par overdose. C’est le lieutenant Sami Atallah qui s’en charge. 

Troisième personnage important du roman, Clovis est journaliste, chevrier et jules occasionnel d’Emma, il se retrouve malgré lui embarqué dans ces histoires.

 “On avait certainement déplacé les corps et abondamment piétiné ce qui n’était pas une scène de crime, mais qui aurait pu apporter quelques informations intéressantes aux enquêteurs.

 Pour le jeune lieutenant, il ne s’agissait pas d’une enquête criminelle classique, on allait se contenter du minimum. D’une part, la catégorie sociale des victimes impliquait prudence et discernement. D’autre part, on ne recherchait pas un tueur puisqu’il était évident que les décès étaint dus à des overdoses ; la question était plutôt de savoir comment et par qui une came aussi frelatée avait pu arriver dans cette habitation cossue.”

On devine sans difficulté que les deux affaires sont reliées, reste à savoir comment. Maurice Gouiran distille les informations, joue avec nous et avec ses personnages, et emmène tout le monde à la fin du livre en faisant rebondir son histoire dans les recoins marseillais.  Habituellement il remet en lumière des épisodes historiques un peu oubliés ou négligés, ici il tamponne les bonimenteurs et les propagateurs de thèses fumeuses : le faux suicide d’Hitler, les bases secrètes nazies, etc, tout en fustigeant les complotistes du covid. De l’autre côté, il boxe dans la boue de la bonne société d’Aix et de Marseille. Tout ça avec une bonne documentation utilisée sans esbroufe agrémentée de belles rasades d’humour, notamment un savoureux dialogue citant les Stooges.
Des moments de réflexions et de recherches sur les enquêtes alternent avec des passages plus intimes entre les personnages et des séquences de dialogue qui mélangent argot et gouaille marseillaise dont je ne suis pas friand habituellement mais qui ici sont maniés sans excès.
En d’autres termes, M. Gouiran souffle le chaud et le froid selon les chapitres.

Malgré le titre à rallonge, à aucun moment il n’est question de la platitude de notre planète, mais j’ai passé un très bon moment grâce à ce roman qui tangue entre la Provence de Giono et ce qui se fait de mieux dans le roman policier populaire.

NicoTag

Aix-en-Provence ou Marseille c’est pas tellement synonyme de rock, pour ça vaut mieux piquer vers le nord-ouest, Dublin par exemple.