Entretien réalisé avec l’auteur de « les maraudeurs » dimanche 15 mai à 14h30 au festival Etonnants Voyageurs à Saint Malo. L’interview a été traduite en direct de manière virtuose par Francis Geffard que je remercie chaleureusement pour sa disponibilité et sa compétence. C’était épatant et cela nous permet de publier cet entretien dès aujourd’hui. Merci également, évidemment, à Tom Cooper dont la gentillesse égale le talent.
la chronique des Maraudeurs ici.
Quand avez-vous décidé d’écrire ?
En fait j’ai toujours voulu écrire. Dès que je suis devenu un lecteur, très jeune. Déjà à l’âge de six/sept ans, je lisais des livres et ça m’avait donné envie d’en écrire un jour moi-même. Je ne saurai pas dire avec précision quand c’est venu mais depuis que je suis lecteur, j’ai toujours rêvé d’être un écrivain.
Vous venez de Floride mais votre roman se situe en Louisiane, pourquoi ? Pensez-vous, comme beaucoup d’autres auteurs, que la Louisiane est un bon décor pour les romans ?
En fait, je suis de Floride et pour tout dire au début ce roman se déroulait en Floride : c’était la Floride de ma jeunesse donc une Floride qui n’existe plus franchement aujourd’hui. L’endroit où j’ai grandi n’existe plus parce qu’il y a eu la montée des eaux et quand j’ai commencé à écrire cette Floride que j’avais dans la tête, elle avait disparu. La Floride avait beaucoup changé, je l’avais quittée il y a une vingtaine d’années. Au moment où j’ai commencé à travailler sur ce livre, je me suis rendu compte qu’en Louisiane en fait il y avait beaucoup de similitudes avec ce que je connaissais de la Floride : sur le plan naturel, sur le plan de l’environnement… ça faisait déjà un moment que je vivais en Louisiane et à la Nouvelle Orléans et je me suis dit que finalement c’était là, dans la Nouvelle Orléans d’aujourd’hui, dans la Louisiane d’aujourd’hui qu’il fallait que j’inscrive ce roman puisque mes souvenirs de la Floride n’étaient plus valides d’une certaine façon. Le livre devait se dérouler à l’époque contemporaine.
Quelle était votre motivation première ? La dénonciation des actes de BP, l’histoire de pauvres gens essayant de survivre après le désastre ou juste l’histoire d’une chasse au trésor ?
Ce serait peut-être la chasse au trésor parce que j’ai toujours été passionné par ça : quand j’étais gamin j’avais un détecteur de métal, je me baladais partout avec et je serais encore capable de le faire aujourd’hui si j’avais le temps… Je dirais qu’il y a aussi un côté métaphorique de cette chasse au trésor parce que c’est la chasse aussi à une vie meilleure, à un idéal, à quelque chose qu’on a perdu ou qu’on n’a pas trouvé et qui nous entraine dans cette quête au sens propre comme au sens figuré.
Quel est le principal personnage de « les maraudeurs » : la Louisiane, BP, le bayou, les gens de Barataria ou Lindquist ? (pour moi c’est Lindquist)
Ce qui me plait c’est que chaque personne qui lit le livre a une réponse différente à cette question. Pour vous c’est Lindquist, d’autres diront que c’est Brady Grimes par exemple, ce que quelqu’un m’a dit un jour ou la Louisiane ou la dénonciation des actions de BP… ce qui m’intéresse c’est que chacun y trouve ce qu’il souhaite et que les réponses varient d’un individu à l’autre.
Comme Donald Ray Pollock, beaucoup de chapitres de votre roman pourraient être des nouvelles. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?
J’ai toujours écrit des nouvelles, j’aime beaucoup cette forme littéraire et effectivement, comme Don, on peut retrouver cette dimension. J’écris beaucoup quand je travaille sur un roman, et pour les maraudeurs ça a été le cas : il y a plein de choses qui ont été écrites et qui ont été écartées. Après ça, c’est comme un travail de tissage d’une certaine façon et c’est ce que j’aime finalement. C’est ce côté : on prend quelque chose, on le tourne dans tous les sens, on le regarde sous tous les angles et on essaie de trouver ce qui convient le mieux.
Qui sont vos écrivains favoris, vos influences ?
L’un des grands plaisirs de ce voyage en France aura été de rencontrer Donald Ray Pollock qui est un de mes écrivains contemporains préférés et je ne pouvais pas imaginer que j’allais pouvoir le rencontrer en France alors qu’on ne s’était jamais rencontrés aux Etats-Unis, ça a été un des temps forts de ma visite ! Sinon, j’aime beaucoup Cormac McCarthy, William Faulkner, Denis Johnson. Et aussi Flanery O’Connor et Joy Williams qui est un auteur très connu aux Etats-Unis, il ressemble un peu à Flanery O’Connor dont les thématiques sont très environnementales. Je ne crois pas qu’elle soit très connue en France mais voilà, ce sont les gens qui ont compté pour moi.
Je ne sais pas si vous connaissez cette maison d’édition, « New York review of books » qui redécouvre des classiques et les republie. Cet été elle republie un écrivain que j’ai hâte de lire, elle va chercher des auteurs qui sont tombés dans l’oubli, elle leur donne la possibilité de ressusciter d’une certaine manière. Ils ont fait ce travail autour de Don Carpenter, de Leonard Gardner, l’auteur de « fat city ». C’est vrai que je m’intéresse beaucoup à ces écrivains qui ont souvent une dimension noire et qui sont remis à la disposition des lecteurs d’aujourd’hui par cette maison d’édition.
En France, les gens disent que votre roman est proche de Carl Hiaasen et Elmore Leonard, êtes-vous d’accord ?
Je crois qu’en fait quand de jeunes auteurs sont publiés pour la première fois, on a le besoin de les situer donc on va essayer de dire dans le sillage de quels écrivains ils s’inscrivent. En ce qui me concerne, je revendiquerai davantage une filiation avec Elmore Leonard qu’avec Carl Hiaasen parce qu’il y a beaucoup peut-être d’Elmore Leonard en moi alors que Carl Hiaasen c’est un écrivain peut-être un peu plus léger, un peu plus souriant, avec une Floride plus ensoleillée et ça ne me correspond pas tout à fait. En fait, je suis très heureux qu’on me compare avec Elmore Leonard, pour moi c’est un immense écrivain et c’est quelqu’un que j’ai découvert très jeune. Quand j’avais dix ou onze ans, mon grand-père qui était un immense lecteur, m’avait donné un des volumes des aventures de Travis Mc Guire. J’ai découvert Elmore Leonard à un âge où je n’aurais certainement pas dû le découvrir mais c’est vrai que c’est un écrivain qui a beaucoup compté pour moi et que j’ai beaucoup lu dans ma jeunesse.
Ecrivez-vous un nouveau roman actuellement ?
En fait, en ce moment je travaille sur deux ou trois projets à la fois, mais il y a un livre qui est pas mal avancé. Il y a un moment où je rassemble comme ça plein de choses, plein d’idées et théoriquement, d’ici la fin de l’année je devrais avoir réussi à mettre pas mal en forme l’un des livres sur lesquels je travaille.
A propos de la série télé, ce sera quand ?
J’aimerais bien connaître la date exacte, je vous paierais même si vous la connaissiez ! La télé, ça n’a rien à voir avec le monde littéraire… On a bien avancé, ils sont très contents du scénario qui a été amendé à plusieurs reprises… c’est en train de se faire.
Vous citez Tom Petty et AC/DC, quelle serait la bonne bande-son pour « les maraudeurs » ?
En fait, AC/DC et Tom Petty ce sont plutôt ce que ce personnage aime. Moi c’est plutôt Tom Waits ou Nick Cave. Mais j’avais envie de trouver des choses qui leur correspondent à eux. Je ne mettrai pas mes morceaux préférés sur la bande-son parce que les gens généralement n’aiment pas beaucoup ce que j’aime moi.
En Allemagne, le titre a été changé et l’accent a été mis sur le personnage de Wes, qu’en pensez-vous ?
Le titre allemand signifie « la vie ruinée de Wes Trench ». En fait je n’aurais jamais donné ce titre-là au livre mais on ne m’a pas demandé mon avis. C’est vrai qu’en Allemagne, les critiques ont souvent dit que c’était un peu stupide d’avoir appelé le livre de cette façon parce que ce n’est pas seulement à propos d’un seul personnage. Je crois que l’éditeur allemand, avec qui je n’ai pas eu beaucoup de lien, a fait ce qu’il fallait, le livre est assez beau. Je sais qu’ils s’en sont bien occupés et que ça n’a pas trop mal marché pour eux, mais à aucun moment on ne m’a demandé de donner mon avis.
Et la dernière question : quelle est la question que j’ai oublié de vous poser et bien sûr quelle est la réponse ?
Wow ! Alors ma question est : est-ce que vous me donnez cinq jours pour que j’aie le temps d’y réfléchir ? et la réponse est oui bien sûr !
Petit Plus, un impromptu avec Francis Geffard, l’éditeur et Tom Cooper à propos du titre. On a pu ainsi entrevoir une petite partie du travail éditorial.
Le terme de maraudeur issu du vieux français n’a pas la même signification en Amérique, il est beaucoup plus inquiétant et péjoratif et Francis Geffard a envisagé de le changer. Ont été évoqués puis abandonnés « les damnés du bayou », « les ombres sur le bayou », « noir bayou » qui avait été aussi proposé aux USA au même titre que « Barataria ». A un moment, confie Tom Cooper, son roman s’appelait « le bras manquant de Lindquist ». Finalement, l’équipe de l’éditeur français a trouvé que le titre « les maraudeurs », sans être parfait était celui qui convenait le mieux.
Wollanup
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