L’auteur texan a le sens et le souci du divertissement. Mais il a plus d’une corde à son arc. C’est avec délectation et émotion que j’ai pu faire sa rencontre à l’occasion d’un court passage parisien, invité au salon Toulouse Polar du Sud. En voici le fruit de nos échanges.
Quelle est la genèse de la série Hap & Leonard?
Globalement je peux dire que Hap c’est moi et Leonard est un assemblage de personnages que j’ai rencontrés au cours de ma vie. Dans ma pratique des arts martiaux, j’ai remarqué qu’il y avait des gays mais qui ne montraient par leur appartenance et c’est donc sur cette base que j’ai créé le personnage de Leonard.
Y avait-il un propos, un message, ou une volonté particulière pour cet opus?
Je n’aime pas trop la notion de message mais le principal c’est qu’il y ait toujours dans mes publications des idées politiques, ma vision de l’Amérique, mais je pense que dans celui-ci il y a un petit peu moins d’éclairage sur celle-ci. J’ai surtout voulu produire un divertissement, réunir les différents protagonistes et éléments des précédents ouvrages de la série.
Nous pouvons avoir une vision biaisée du Texas oriental, quelles en sont les valeurs et les scories de cet état du Dixieland?
Je viens de cette région et j’adore cet endroit, j’y ai rencontré les gens les plus gentils, solidaires, affectueux, évidemment il coexiste l’exact contraire mais je pense que c’est comme partout à dire vrai. Or il y a quelque chose de très indépendant dans la culture du Texas oriental, très particulière, telle une bénédiction et une malédiction concomitante. C’est très particulier le Texas oriental, c’est énorme comme la taille de la France et on imagine que c’est désertique, mais c’est le Sud complet. On dit que c’est derrière la barrière de pins, il n’y a pas de désert, de montagnes, il y a des arbres, des crocodiles. Du côté culturel et dans la musique en particulier, c’est tel un combo de musique mexicaines, afro américaines, très marquées.
Trouvez vous, justement, que Hap et Leonard sont là pour en gommer les aspérités ? ( ou les souligner)
Je pense qu’ils montrent les deux côtés, le bon et le mauvais, la complexité et la contradiction de cet état. Ils portent un rôle de « Morality plays » (une allégorie théâtrale du vice et de la vertu). J’écris du polar !
Ce ne sont pas du tout des héros mais je n’aime pas non plus le concept d’anti-héros, ils sont juste profondément humains. Ils tentent d’être meilleurs, ils essayent de correspondre à l’idéal qu’ils se sont fixé. Pourtant ils tuent, ils possèdent des armes, mais en fait ils sont un peu comme tout le monde et c’est cela qui me plait.
Deux aventures de Hap & Leonard sont en attente pour l’édition française, qu’en est de la série T.V. et quel regard portez-vous sur cette adaptation ?
J’en suis très satisfait en tant qu’auteur de la série. Je pourrais toujours dire que tel ou tel plan, telle ou telle scène aurait pu se tourner différemment. C’est trois saisons et il n’y aura pas de suite. James Purefoy est un homme bien, les acteurs sont les meilleurs amis à l’écran comme dans la vie.
Avez-vous définitivement abandonné l’épouvante ?
J’écris des histoires courtes tout le temps. J’ai remporté deux prix Bram Stoker en six ans. J’ai écrit un livre « Drive-in », j’estime qu’il n’y pas de genre, et en ce qui concerne l’horreur j’affectionne particulièrement la nouvelle. C’est classifié aux Etats Unis comme de la science-fiction. J’ai déjà pris des pseudos, plus pour m’amuser pour écrire des petits papiers plus jeunes ou dans un contexte de « ghostwriter ». Les éditeurs aiment bien les catégories mais vivant de mon écriture je suis très bien comme ça et je n’ai pas la nécessité de changer mon nom en fonction de « genres littéraires ».
Quels sont vos tuteurs littéraires ? Et lisez-vous de la littérature actuelle?
Mark Twain, Harper Lee « To kill a mockingbird », Elmore Leonard dans ses premières années, Flannery O’Connor, Carson McCullers, Fitzgerald, Steinbeck, Raymond Chandler, James Cain, Dashiell Hammet, Rob Dennis, James Ross, Charles Willeford. On pourrait en parler toute la journée !
Dans les actuelles, James Lee Burke est probablement le plus grand styliste du noir, Helen Gilchrist « In the land of dreamy dreams » un recueil de nouvelles.
En fait je lis surtout des classiques, je lis en ce moment Don Quichotte et une biographie de Bruce Lee ayant pratiqué des arts martiaux pendant 55 ans. C’est une personne très très importante à mes yeux.
Vos romans donnent l’impression d’avoir un rapport direct avec le cinéma, ou pourrait-on suggérer l’inverse, que le cinéma a nourri votre littérature ?
Le film noir, beaucoup de films noirs. John Ford, Howard Hawks, John Sayles, Roger Corman qui a énormément influencé « Drive-in ».
Je vais réaliser un film l’année prochaine dont le scénario a été écrit par mon fils, adapté d’une nouvelle que j’avais écrit dont le principe était que chaque auteur devait parler d’un tableau de Edward Hopper «New-York office ». On attend que le projet se finalise.
J’ai écrit pas mal de scénarios pour les Batman T.V. , Superman et le fils de Batman. Le réalisateur de Walking Dead va réaliser une adaptation d’un de mes écrits pour Netflix.
Il y avait un film culte très « américain » mettant en scène Elvis avec une momie qui est truffé de références sur sa vie et les studios Sun Records. La femme de mon frère est allée à l’école avec Elvis et était amie avec Johnny Cash, ma fille, Kasey, étant produite par John Carter Cash.
On a l’habitude, marque de fabrique, d’illustrer pour Nyctalopes, par un titre musical collant à l’ouvrage et/ou à l’auteur. Pourriez-vous illustrer notre entretien ? (en rapport avec l’opus ou un titre marquant ces derniers temps)
Je pense à ma fille Kasey Lansdale « Sorry Ain’t enough » dans une veine Country-Blues, qui joue dans la seconde saison de Hap & Leonard très 50’s.
Personnellement j’avais fait le choix d’un titre de Johnny Winter « Honky Tonk »
Je ne l’aime pas car j’étais en procès contre lui. Sur une brouille musicale, une satire d’un de ses titres, il nous a réclamé de l’argent. Pas d’humour bien que ce soit un artiste incroyable…accro à la Coke et scientologie.
Cette rencontre n’aurait pu se dérouler sans l’entregent de Joséphine Renard, attachée de presse -fée- des éditions Denoël, et Dana Burlac, éditrice de Lansdale, pour sa capacité d’interprète texane. Merci beaucoup pour cette mémorable rencontre!
Le 9 Octobre 2018 dans un bistrot parisien.
Chouchou.
Merci Chouchou!
À des questions pertinentes et différentes de questions habituelles, des réponses passionnantes.
Merci Marie-Claude, l’interlocuteur aide bien! De la disponibilité, de la simplicité et l’homme aime son prochain ça ne gâte rien.