Don’t Skip Out On Me

Traduction: (talentueuse) Hélène Fournier.

Willy Vlautin est né dans le Nevada, vit actuellement en Oregon et est l’auteur de cinq romans tous publiées par la collection “Terres d’Amérique” chez Albin Michel.

Très jeune, Vlautin a connu deux passions: la musique et la littérature. Au grand dam de sa mère, il s’est lancé dans une vie de baladin, « on the road ». Avec son groupe Richmond Fontaine, il a ensuite réussi une carrière intéressante malgré sa confidentialité dans un genre que l’on qualifiera du terme assez général d’alt-country multipliant les compositions talenteuses country mais aussi folk, americana et tout simplement parfois rock pour des petites salles enfumées au public à chemises à carreaux, casquettes de baseball et Schlitz à la main. Pendant de nombreuses années Richmond Fontaine et Willy Vlautin ont raconté l’Amérique des marges, des histoires de gens qui n’ont pas eu de bol, qui luttent pour s’en sortir, se battant pour une dernière chance à la loterie du rêve américain.

 “Mes chansons sont la bande-son de mes romans. Ils vivent dans le même univers, dans le même pâté de maisons, dans le même immeuble. La plupart de mes romans étaient, à la base, des chansons. Généralement une idée donne lieu à une chanson. Mais il arrive que j’écrive deux ou trois chansons qui se transforment ensuite en roman. “Ballade pour Leroy” a commencé de cette façon-là.”

Il y a une quinzaine d’années, Vlautin a franchi le pas et s’est lancé dans l’écriture. Ses idées, ses histoires, ses expériences, son regard sur le monde, son immense humanité, sa tendresse ont été placées au service de romans tous aussi épatants les uns que les autres par leur authenticité, leur sincérité, leur amour des autres. Ces histoires sont surtout des “road novels” racontant des gosses à la dérive ou déglingués par la vie se barrant vers un ailleurs meilleur.

The idea of escape by leaving to the next town has always been attractive to me. Maybe it’s because of US movie culture. I lived inside movies as a kid. The idea that I’ll be happier and better and more successful in the next town is something I’ve thought a lot about and tried hard to overcome. It’s a crutch. Maybe that’s why I’ve written about it.”

L’idée de fuir en allant jusqu’à la prochaine ville m’a toujours attiré. C’est peut-être lié à la culture cinématographique des Etats-Unis. Petit, je vivais dans les films. J’ai beaucoup réfléchi à cette idée selon laquelle je serai plus heureux dans la ville d’à-côté, que j’y réussirai mieux, et j’ai dû faire beaucoup d’efforts pour m’en défaire. C’est comme une béquille. Ce qui explique peut-être pourquoi j’écris là-dessus.”

Vlautin écrit comme il chante. C’est simple, sans effet de manche, sans artifices, sincère, cruel parfois pour dénoncer mais toujours avec une énorme tendresse. On sort des histoires de Willy Vlautin le cœur gros ou très en colère mais parfois un petit peu différent. Très vite, son milieu, sa communauté l’a reconnu au point que Patterson Hood des géantissimmes Drive By Truckers a composé et joue sur scène “Pauline Hawkins” du nom de l’infirmière héroïne de “Ballade pour Leroy”. 

La parenté littérature et musique a toujours été une évidence pour Vlautin capable de définir musicalement chacun de ses romans.

“Ballade pour Leroy est plutôt une chanson folk politique et enragée. Dans la veine de Bob Dylan et de Woody Guthrie. Motel Life est plutôt une chanson country, Plein Nord une ballade triste et romantique et Cheyenne en automne une chanson folk.”

“Devenir quelqu’un” est sûrement un projet très spécial pour Vlautin qui y a mis beaucoup de son coeur en lui ajoutant un album instrumental sorti en 2017. Reprenant tout simplement le nom original “ Don’t Skip Out On Me”, l’album est une bande son sublime du roman reprenant les moments forts qui ravira aussi les amateurs de Friends Of Dean Martinez, Calexico ou Giant Sand.

L’album en entier ci-dessous:

“A vingt et un ans, Horace Hopper ne connaît du monde et de la vie que le ranch du Nevada où il travaille pour les Reese, un couple âgé devenu une famille de substitution pour lui. Abandonné très tôt par ses parents, il se sent écartelé entre ses origines indiennes et blanches.

Secrètement passionné de boxe, Horace se rêve en champion, sous le nom d’Hector Hidalgo, puisque tout le monde le prend pour un Mexicain… Du jour au lendemain, il largue les amarres et prend la direction du sud, vers sa terre promise. Saura-t-il faire face à la solitude du ring et au cynisme de ceux qu’il croisera en chemin ? Peut-on à ce point croire en sa bonne étoile, au risque de tout perdre ?”

“Devenir quelqu’un” est-il meilleur ou moins bon que les autres ? C’est une chanson country, tout simplement et elle vous emportera, vous brisera le cœur, vous attristera, vous interpellera ou pas… Mais, surtout, sachez que Willy Vlautin c’est le pote qu’on aimerait tous avoir. Ne le ratez pas.

Clete

Entretien Nyctalopes de 2016 avec Willy Vlautin traduit par la talentueuse Hélène Fournier.