Traduction: Anne-Marie Carrière
On est en Georgie dans la ville la plus peuplée de l’état suivant la seconde guerre mondiale. Pour la première fois des agents du département de police sont recrutés parmi la communauté noire. Dans cette atmosphère électrique, où malgré une volonté politique de poser les fondements d’une concorde et d’une égalité de façade, on assistera à la coexistence de deux unités policières distinctes. Et justement, l’équité de traitement, de mission, de statut restent loin d’atteindre son but. Le plafond de verre est toujours solide mais des hommes tentent de faire évoluer les lignes en se battant avec leurs armes.
«Atlanta, 1948. Sous le mandat présidentiel de Harry S. Truman, le département de police de la ville est contraint de recruter ses premiers officiers noirs. Parmi eux, les vétérans de guerre Lucius Boggs et Tommy Smith. Mais dans l’Amérique de Jim Crow, un flic noir n’a le droit ni d’arrêter un suspect, ni de conduire une voiture, ni de mettre les pieds dans les locaux de la vraie police. Quand le cadavre d’une femme métisse est retrouvé dans un dépotoir, Boggs et Smith décident de mener une enquête officieuse. Alors que leur tête est mise à prix, il leur faudra dénouer un écheveau d’intrigues mêlant trafic d’alcool, prostitution, Ku Klux Klan et corruption. »
En se lançant dans cette saga, Thomas Mullen, nous offre une vision, sa vision, d’une Amérique amputée de ses forces vives en n’octroyant pas les mêmes chances à ses différentes communautés. C’est de cette période trouble et charnière de la fin des années 40, début des années 50, que se situe son propos. Il nous permet alors de suivre deux binômes policiers, l’un blanc, l’autre noir. Et leur combat se détermine par leur histoire, leur passé. Entre courage d’affronter l’injustice ou abnégation de conserver des acquis raciaux, les frictions seront légions et conduiront à une désinhibition de valeurs opposées.
Thomas Mullen transpose avec maestria son propos dans ce sud U.S où règne ambivalence, discrimination et violences raciales. Il dépeint avec justesse et documentation une période qui sera un des points de départ d’un volonté émancipatrice de ce peuple opprimé. En mettant en scène un duo d’agents noirs face à leur « pendant » blanc, il s’éloigne de l’écueil du manichéisme. Chaque tentative de créer de la liberté, de l’égalité fait face à des actes contraires aux vertus de fraternité. Et c’est bien en cela que le roman est moins binaire qu’il n’y parait. L’enquête en toile de fond est révélatrice de ce que le politique refuse de voir. Il l’entraperçoit, il le distingue plus ou moins clairement mais se refuse à l’avouer.
Cette série policière sera adaptée à l’écran et l’on peut se ravir à l’idée qu’elle soit partie sur des bases solides teintées de noir lumineux. L’auteur dessine un tableau romanesque, qui contrairement à la quatrième de couverture, m’évoque les peintures sans concession de Pelecanos.
Ville noire, ville blanche saisissante!
Chouchou.
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