« Couleurs de l’incendie » est le deuxième volet d’une trilogie se déroulant dans l’entre-deux guerres commencée avec « Au revoir là-haut » pour lequel Pierre Lemaitre a obtenu le prix Goncourt en 2013 et qui a été magnifiquement adapté au cinéma par Albert Dupontel. Le roman commence sept ans après la fin du premier tome…
« Février 1927. Le Tout-Paris assiste aux obsèques de Marcel Péricourt. Sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l’empire financier dont elle est l’héritière, mais le destin en décide autrement. Son fils, Paul, d’un geste inattendu et tragique, va placer Madeleine sur le chemin de la ruine et du déclassement. »
Si les obsèques de Marcel Péricourt furent perturbées et s’achevèrent de façon franchement chaotique, du moins commencèrent-elles à l’heure.
Après cette première phrase alléchante, le roman commence très vite et dès la fin du premier chapitre tout est en place, les évènements vont s’enclencher inexorablement et Pierre Lemaitre, avec un grand talent de conteur, nous entraîne dans une sombre mais palpitante histoire. Il signe un bel hommage revendiqué à Dumas, un roman d’aventures avec des machinations ourdies par les puissants, des drames et une vengeance implacable !
Un roman historique aussi, car même si l’intrigue est complètement romanesque, elle est bien ancrée dans une époque, celle des années trente, où le capitalisme triomphe, où la collusion, la corruption règnent avec cynisme, où la confiance pour les gouvernants est rompue et où l’intolérance et les fascismes montent dangereusement avec au loin les premières « couleurs de l’incendie » qui va ravager le monde. La description que Pierre Lemaitre fait de l’atmosphère de cette époque, au gré d’un article de journal, d’une conversation chez le crémier… sonne vraiment très juste, l’Histoire et l’histoire se complètent parfaitement. Et les parallèles entre cette période et la nôtre sont troublants…
C’est Madeleine Péricourt, personnage secondaire dans « Au revoir là-haut » qui devient l’héroïne de ce deuxième roman. Cette riche héritière, élevée pour le mariage n’y entend rien aux affaires et ne désire pas trop s’y intéresser. Elle déclenche la convoitise et la jalousie chez les hommes qui l’entourent, ils ne supportent pas qu’une femme soit à la tête d’une telle fortune et vont s’allier pour l’en délester sans scrupule. Les femmes, bien qu’ayant fait leurs preuves pendant la guerre de 14-18, sont encore loin du droit de vote. Dans ce monde hautement misogyne, Pierre Lemaitre peint de très beaux portraits de femmes qui doivent se battre pour obtenir ce qu’elles veulent. Outre Madeleine, grande bourgeoise confrontée brutalement à la réalité du monde, il y a Léonce, intrigante prête à tout pour échapper à la pauvreté et Solange, chanteuse d’opéra géniale et excentrique et Vladi, employée de maison polonaise bonne vivante à la sexualité joyeuse et débridée. Les autres personnages ne sont pas en reste, ils sont tous fouillés, hauts en couleurs et qu’ils soient détestables, touchants ou drôles, ils sont tous justes, humains.
Madeleine, jeune femme ayant toujours vécu dans une bulle confortable, inconsciente et naïve, hors du monde, se retrouve propulsée dans un monde extrêmement violent par la tragédie touchant son fils, Paul. Pierre Lemaitre raconte brillamment la chute, la métamorphose de Madeleine et sa terrible vengeance. Comme dans un grand roman feuilleton, il entretient le suspense à chaque chapitre et éclaire à tour de rôle les différents personnages dévoilant une histoire noire et passionnante.
Magnifique !
Raccoon.
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