Traduction: Hélène Serrano.

 

En Espagne, la pluie est forte et lourde; qui l’aurait cru ?

Carlos Ovelar, l’aurait-il cru qu’un soir pluvieux en 1996, un avocat ferait appel à lui pour retrouver sa fille de 18 ans, Ânia.

Pourquoi faire appel à lui, un simple photographe dans une agence madrilène ?

Parce que Carlos Ovelar est un ancien des services secrets.

Dès les premières pages, on tombe nez à nez avec une note de l’auteur à propos de la figure de Janus. Puis, sur un avertissement à propos du langage utilisé dans le roman, non dénué d’humour : Il espère toutefois que cette petite immersion sera utile à l’aimable lecteur, si d’aventure on le mettait un jour au trou.

Autant le dire tout de suite, l’intrigue de “Comme un Blues” est on ne peut plus simple. L’auteur fait le boulot nécessaire pour nous tenir en haleine et, finalement, on ne lui en demande pas plus lorsqu’on découvre le final très noir. “Comme un Blues” est un grand roman : les personnages sont géniaux! Sombres et résignés, mais géniaux! On se retrouve avec Carlos, quarantenaire et en pleine crise. Un bon flic, cynique et ayant un amour démesuré pour le whisky. Et Carlos est habité par la petite voix Janus, violente réminiscence de son temps dans les services secrets. Le malheur de Carlos est d’être écrasé par deux autres personnages, deux mastodontes: son père dit le Vieux et Gualtrapa. Deux phénomènes qui ont la réplique facile, cinglante et qui imposent le respect. Tous deux d’anciens barbouzes qui ont déjoué le coup d’état du 23 février 1981, d’une manière impossible à dévoiler ici sans risquer de révéler une partie de l’essence qui fait ce roman.

Avec « Comme un Blues », le lecteur découvre une partie de l’histoire espagnole post-franquiste – on devine la difficulté du service de renseignements à s’adapter à un nouveau régime politique, ainsi que le déroulement des opérations, des magouilles pour éviter le putsch du F-23.

Car c’est bien la grande époque (ou ce qu’on veut nous faire croire) des services secrets qui plane sur le roman, qui en fait l’essence. Les vieux barbouzes ne peuvent se défaire de cette partie de leur vie. Et Carlos essaye tant bien que mal à se libérer de cette emprise, en vain.

“Comme un Blues” est un roman de la mémoire et de l’impossible oubli. La pluie tombante sur Compostelle a une étrange ressemblance avec l’antichambre de la mort. Que ce soit pour la jeunesse accro aux drogues, et pour ces fossiles accrochés à la vie qui ne peuvent s’empêcher de mettre des bâtons dans les roues de leurs enfants, de les manipuler jusqu’à une fin tragique.

“Comme un Blues” est un roman noir savamment écrit. On y apprend l’histoire de l’Espagne.

On découvre que là-bas, la pluie est parfois omniprésente. Et Anibal Malvar nous pousse à réfléchir à ce qu’est «l’héritage». Celui laissé par nos aînés.

Bison d’Or.