Those We Thought We Knew
Traduction : Jean-Yves Cotté
« Après quelques années passées à Atlanta, Toya Gardner, une jeune artiste afro-américaine, revient dans la petite ville des montagnes de Caroline du Nord d’où sa famille est originaire. Bien décidée à dénoncer l’histoire esclavagiste de la région, elle ne tarde pas à s’y livrer à quelques actions d’éclat, qui provoquent de violentes tensions dans la communauté. Au même moment, Ernie, un policier du comté, arrête un mystérieux voyageur qui se révèle être un suprémaciste blanc. Celui-ci a en sa possession un carnet, sur lequel figure une liste de noms de notables de la région. Bien décidé à creuser l’affaire, Ernie se heurte à sa hiérarchie. Quelques semaines plus tard, deux meurtres viennent endeuiller la région. Chacun va alors devoir faire face à des secrets enfouis depuis trop longtemps, à des mensonges qui durent parfois depuis plusieurs générations.«
La sortie d’un nouveau David Joy a toujours de quoi réjouir. Il y a déjà ses romans, qui sont généralement plutôt bons et toujours honnêtes, et puis il y a le bonhomme qu’il est difficile de ne pas apprécier. J’écrivais dans ma chronique de Nos vies en flammes, son précédent roman, que pour moi il n’y avait pas encore eu de grand roman de David Joy. Tous bons mais encore point de chef-d’œuvre franchement mémorable. Qu’en est-il de Les deux visages du monde, son cinquième roman qui paraît chez Sonatine ?
Les habitués de David Joy ne seront pas dépaysés, l’intrigue de son nouveau roman ne se déroule pas à Cancale, mais bien dans l’Etat de Caroline du Nord, où vit notre auteur, et plus précisément dans la ville de Sylva. Et s’il y a une chose que David Joy sait faire, c’est écrire sur les paysages qu’il connaît. C’est dans ce décor qu’il décide de s’attaquer à la problématique du racisme et ses différents visages.
Je vais peut-être commencer par les points faibles du livre, car oui, il y a quelques points faibles et notamment l’intrigue. Il était difficile de faire plus prévisible. On comprend très rapidement où on va et Joy ne nous réserve aucune surprise. Enfin presque aucune surprise. Il y a bien, vers la fin, un twist que je ne vais bien évidemment pas révéler, mais un twist si peu crédible que la fin semble presque un peu bâclée. Dommage ! Ses personnages aussi sont très prévisibles, pour ne pas dire stéréotypés. Mais la prévisibilité de l’ensemble fait-elle de Les deux visages du monde un mauvais roman ? Non !
Je l’ai évoqué précédemment, David Joy est particulièrement doué pour nous décrire sa région. Dans ce livre, il prend vraiment le temps de poser le décor, de construire une atmosphère. Cette lenteur instaure une dynamique très réaliste. Si vous cherchez un roman où l’action prédomine, vous pouvez passer votre tour. David Joy veut prendre le temps de correctement immerger ses lecteurs dans son environnement et il fait bien.
On retrouve également sa plume, très simple, aussi facile qu’agréable à lire. Et aborder, avec cette plume, des sujets aussi cruciaux que le racisme à travers les générations, le racisme systémique, l’héritage de l’histoire et sa transmission, et enfin la fracture entre ceux qui ont véritablement subis cette histoire, et ceux qui l’interprètent comme ils veulent, c’est l’assurance d’avoir un propos compréhensible par le plus grand nombre. Il donne matière à débattre, il questionne et, de ce fait, peut éventuellement éveiller les consciences. Ainsi écrit, son roman a une portée universelle.
Avec Les deux visages du monde, David Joy signe un roman noir à très forte dimension sociale, moins brut que ses précédents et plus atmosphérique, mais clairement dans l’air du temps. Le racisme a des racines profondes et est encore bel et bien d’actualité. Toujours pas le grand chef-d’œuvre de David Joy (je sais, je persiste…), ni même son meilleur livre, mais il a définitivement le potentiel pour trouver son public.
Brother Jo.
LÀ OÙ LES LUMIÈRES SE PERDENT, Entretien avec DAVID JOY , LE POIDS DU MONDE, CE LIEN ENTRE NOUS , NOS VIES EN FLAMMES.
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