Thetford Mines, ville phare de l’industrie de l’amiante québécoise, été 1986. Steve Dubois, neuf ans, et le petit Poulin, dix ans, s’abandonnent aux plaisirs de l’amitié. La belle saison est rythmée d’aventures sur les hauts terrils et d’évasions à travers les paysages mi-forestiers mi-lunaires. Les journées des deux inséparables s’écoulent dans l’oisiveté et l’innocence, sur leurs vélos ou allongés dans leur cabane parmi les pins. Or, l’année 1986 est riche en tragédies, et l’une d’entre elles affecte le cours de la vie de Steve comme nulle autre. Cinq ans plus tard, on le retrouve en proie à son obsession : reconstituer son paradis évanoui.
Certain(e)s amatrices et amateurs de poésie connaissent peut-être le nom de Sébastien Dulude, auteur de Montréal à qui l’on doit quelques recueils de poésie, mais la grande majorité n’en a probablement jamais entendu parler. Avec Amiante, son premier roman publié chez La Peuplade, il m’est d’avis que vous n’êtes pas près d’oublier son nom.
C’est à Thetford Mines, une ville qui fut un temps produisait une quarantaine de pour cents de l’amiante mondiale, que se déroule Amiante. Une ville que Sébastien Dulude a lui-même vécu. Et qui dit amiante, dit toxicité, autant dire un cadre de vie des plus sains pour un gamin de 9 ans en 1986. Ce gamin, Steve Dubois, est le fils d’un père relativement dur, qui travaille à la mine, et d’une mère là mais absente. Pour tromper l’ennui et prendre ses distances avec le nid familial, c’est souvent qu’il visite les alentours à vélo ou joue dans le décorum local où la crasse de la mine semble omniprésente. C’est alors qu’une nouvelle amitié va bouleverser, pour le meilleur, son quotidien. Son nouvel ami et lui profitent alors, du mieux qu’ils le peuvent, de leur insouciante jeunesse. Mais un drame va brutalement mettre fin à cette relation. Cinq ans plus tard, Steve Dubois n’a pas oublié cette amitié pure dont la perte l’a profondément affecté. Un beau mais douloureux basculement de l’enfance à l’adolescence.
C’est avec un indéniable plaisir que l’on se coule dans cet écrin de nostalgie d’une mélancolie envoûtante. La magie du mariage de l’exotisme de la langue, de la finesse de la plume et de la délicatesse du regard, opère instantanément. Sébastien Dulude charme avec sa brillante maîtrise des mots. Il nous prend d’abord aux sentiments, puis aux tripes et enfin à la gorge. Il nous laisse les pieds dans la poussière, le regard perdu vers l’horizon et le cœur lourd de vie. Son écriture est gorgée d’émotions et transpire la sincérité. Même face aux aléas les plus tragiques de la vie, alors que la noirceur s’instille, il sait se montrer lumineux.
Amiante s’impose d’ores et déjà comme un livre incontournable. Un premier roman d’apprentissage magnétique et émouvant à l’écriture flamboyante. Sébastien Dulude à l’âme d’un poète et le savoir-faire d’un orfèvre. Préparez-vous à vivre un fascinant moment de grâce. Vous n’en lirez probablement pas deux des comme ça cette année.
Brother Jo.
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