Chroniques noires et partisanes

AFFRONTER L’ORAGE de Larry Brown/ Gallmeister.

Facing the music

Traduction: Pierre Furlan

Larry Brown pour qui j’ai une énorme affection est un écrivain du sud des Etats Unis qui nous a quittés prématurément à l’aube de la cinquantaine en 2004 nous laissant des romans inoubliables comme FAY, JOE dont on peut d’ailleurs deviner ici une introduction dans la nouvelle “Les Bons Samaritains” mais aussi “L’ USINE A LAPINS” dont la musique est très proche de celle de ce recueil de nouvelles “Affronter l’orage”.

On avait attribué à Brown, l’étiquette “dirty realism” d’un mouvement, juste une histoire de marketing pour Richard Ford, né au début des années 80. On y retrouvait des auteurs comme Carver à qui ces nouvelles font immanquablement penser avec néanmoins un beau supplément d’âme, McCarthy, John Fante, Bukowski ou plus proches de nous SaFranko et Palahniuk. Bref, du très beau monde mais vous conviendrez aisément qu’il est très difficile de ranger sous ce même vocable des auteurs aux styles et aux univers proches mais néanmoins uniques. Les histoires rurales de Brown sont très éloignées des brûlots de Bukowski par exemple. Néanmoins, dans ce “dirty realism” l’écriture est plus libérée moins empesée, se concentrant principalement sur l’histoire de ceux qu’on appelle souvent de manière excessive “les oubliés de l’Amérique”, le pays des picks-up pourris, des mobil homes, du chômage, de la détresse physique et morale, des addictions, des déviances… les gens ordinaires comme vous et moi et d’ailleurs vous vous retrouverez peut-être dans certaines histoires sans que vous vous considériez pour cela comme “les oubliés de la France”.

“Facing the music”, “Affronter l’orage” pour Gallmeister cette année, “Faire front” pour la Noire de Gallimard en 2004 est le premier ouvrage de Larry Brown regroupant certaines des nouvelles qu’on trouvait sur certains magazines ricains dans les années 80  et qui ont attiré le regard des éditeurs. Ces neuf écrits (un a disparu de l’oeuvre originale… le mystère de la chaussette orpheline?) sont  puissants. Ces histoires prennent toujours la tête en quelques lignes, touchent souvent au cœur et parfois font mal aux tripes. Elles racontent les tourments ordinaires de couples, les histoires d’amour qui meurent, l’indifférence à l’autre, l’alcool qui éloigne, la jalousie, l’inadaptation à la vie sociale, des sentiments et des épreuves que nous connaissons tous à certaines périodes de la vie. Le “dirty realism”, comme son nom l’indique montre la misère sociale et intellectuelle sans filtre mais sans misérabilisme larmoyant non plus en ce qui concerne Larry Brown. Au fil des galères racontées, on le sent bien si on a déjà lu le reste de son oeuvre admirable, on perçoit l’énorme empathie de l’auteur pour ces gens ordinaires, en voie de marginalisation et souvent un méchant humour noir enrichit un texte dont on regrette immanquablement qu’il n’ait pas été poursuivi.

La vie, cette chienne quand elle détruit, n’a jamais été racontée aussi justement que par Larry Brown. Incontournable.

Clete.

6 Comments

  1. JB

    Quelle belle chronique. J’ai aussi une grande affection pour cet auteur. Les éditions Gallmeister font un super travail en éditant à nouveau ses romans et nouvelles. Je me souviens avoir vu un reportage sur Larry Brown, il était sur le second DVD quand j’ai acheté Joe. Reportage très bien fait et émouvant dans son final. Bonne fin de week-end.

    • clete

      Merci de ton passage JB et tu as raison de souligner le travail de Gallmeister permettant de connaître ou de retrouver l’immense Larry Brown.

  2. Electra

    j’adore Larry Brown, j’ai lu ses nouvelles (dur comme l’amour) du coup je vais aller voir celles-ci. Un grand auteur, Rick Bass en parle dans son superbe récit culinaire

    • clete

      Celles-ci sont divines mais je dois par contre me jeter sur « dur comme l’amour », un beau titre déjà. J’ irai aussi voir du côté de Bass qui est, c’est vrai, un bon auteur aussi. Merci pour l’info.

  3. simone

    Une de mes prochaines lectures. Je n’ai lu que Joe, mais je m’en souviens encore.

    • clete

      Celui-ci est aussi très marquant, tu verras Simone.

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