Une sacrée belle surprise que ce second roman à la Série Noire de l’Américain qui avait vraiment défrayé la chronique en 2012 avec « la belle vie ».Alors concernant la dite œuvre, je suis dans la catégorie des gens qui ont trouvé ce bouquin dégueulasse, extrêmement complaisant avec un auteur très doué pour nous montrer l’ignominie de façon crue et incapable de la suggérer un tant soit peu intelligemment. Et puis pour tout dire crument l’histoire d’un type qui se fait enculer par tout ce qui a un minimum d’influence à Hollywood et dont le plaisir est de copuler avec des cadavres n’a pas d’emblée toute ma sympathie et l’identification au héros n’a aucune chance de voir le jour. Je trouvais à l’époque cela assez dommage parce que le roman, par ailleurs, se lisait bien. Bla bla bla pour tout simplement expliquer que cette deuxième livraison de Strokoe ne recevait pas tous mes suffrages au départ.
Extrait de la 4ème de couverture :
Quand Johnny Richardson revient à Oakridge, il n’a qu’une idée en tête : réparer la terrible erreur qui l’a poussé à s’exiler de sa ville natale pendant huit ans. Mais renouer avec le passé peut être une entreprise risquée dans l’Amérique provinciale. Lorsqu’une expérience sexuelle anodine pousse au suicide la femme d’une personnalité locale, Johnny devient la cible d’une vendetta qui menace de détruire l’existence fragile qu’il s’est bâtie au cœur des anciennes collines aurifères de la Californie du Nord. En possession d’un étrange terrain légué par son père disparu sans laisser de traces, Johnny devra éclaircir ces mystères pour protéger ceux qu’il aime. Mais ses efforts auront des conséquences funestes. Il sera alors non seulement confronté à ses propres démons, mais à la nature même de la culpabilité.
Et alors Strokoe est un sacré bon romancier, il a réussi un livre impeccable, un polar nickel qu’on ne peut qu’encenser. Une sacrée trouvaille de la Série Noire, des auteurs capables de se renouveler de la sorte ne sont pas légion. Je n’ai pas lu la chronique du Boss mais je suis sûr qu’il a été emballé, il l’était déjà avant…
On a ici toute la chaleur qui manquait dans l’autre.
C’est tout d’abord un polar américain très classique avec l’histoire d’un type qui rentre chez lui après des années d’exil et souvent d’errance et qui retrouve tous ceux qu’il a lâchement abandonné quelques années avant : parents, fratrie, petite amie… ce thème de la rédemption qui commence à vraiment me lasser et puis tout de suite, bien avant les personnages, on voit la tragédie qui est en train de se préparer et vers laquelle ils foncent aveuglement et on a là la démonstration du talent d’ un écrivain majeur. De toute façon, c’est vraiment bien écrit, pas beau, on n’est pas chez Ron Rash, mais bien avec l’ambiance qu’il veut créer. J’ai vraiment été entraîné, enchaîné dans ce déferlement de malheurs qui frappent les héros, pas pu les lâcher.
C’est aussi un dépaysement assuré avec la découverte d’une Californie à mille lieux de la frime de LA et des séries américaines de la TNT, une Californie où on peut encore se faire attaquer par des ours dans les bois, où on cherche encore de l’or dans des rivières autrefois magiques, une Californie où on voit avec la crise, comme chez nous, un basculement vers la paupérisation des classes moyennes autrefois épargnées, ceci provoquant des actes insensés, démesurés de la part des plus fragiles ou des plus démunis. On se croirait dans les chansons de Springsteen même si on est loin du New Jersey.
On rencontre aussi des personnages extraordinaires, le couple formé du frère handicapé de Johnny, Stan et de Rosie est absolument inoubliable, une ode à l’amour, à la beauté, l’espoir renouvelé de jours meilleurs tant qu’il restera des gens ainsi illuminés par la grâce. De l’émotion, damned, de la grosse qui vous prend les tripes, vous déchire le cœur.
J’ai donc beaucoup aimé mais il y a quand même des détails qui m’ont chagriné et que je ne peux qu’évoquer de façon très évasive. Un des personnages est mal traité à mon avis et c’est une faiblesse parce que c’était déjà le cas dans le dernier roman. D’autre part, je n’ai pas compris, mais alors pas du tout et cela m’a gêné pendant quelques pages, une des décisions de Johnny et Marla.
C’est un roman très sombre avec ces deux anges qui évoluent dans un monde où tous les protagonistes, bons ou méchants, ont en commun une lourde culpabilité qui va favoriser le déclenchement d’ une pénible tragédie irrémédiable qu’on vit hypnotisé se demandant ce qui pourrait mettre un terme au désastre. Tous les sentiments comme le doute, la vengeance, le remords, la tristesse… sont ici exacerbés et vous explosent à la figure.
Un bon polar tendu et très tordu.
Wollanup
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