Ozark Dogs
Traduction: Emmanuelle Heurtebize
Taggard, Arkansas. Chômage et récession frappent durement cette petite ville des monts Ozarks. C’est là que vit Jeremiah Fitzjurls, un vétéran du Vietnam, en compagnie de sa petite-fille, Joanna, qu’il élève seul au milieu de sa casse automobile. Pour protéger celle-ci d’un monde extérieur de plus en plus hostile, Jeremiah lui a transmis tout son savoir, en particulier sur le maniement des armes et l’autodéfense. Mais aucune ressource n’est suffisante quand les Ledford, une famille de suprémacistes blancs de la région, dealers de meth, décident de s’en prendre à la jeune fille. Jeremiah comprend alors que plus rien n’arrêtera la violence, sinon peut-être la violence.
Plébiscité par David Joy et S. A. Cosby, Eli Cranor arrive dans le paysage littéraire français avec d’ores et déjà une belle reconnaissance de ses pairs. Chiens des Ozarks, son premier roman publié en France mais le deuxième aux Etats-Unis (et un troisième vient de sortir), est annoncé comme la nouvelle grande voix du country noir ou rural noir. Tout comme pour David Joy et S. A. Cosby, c’est du côté chez Sonatine que ça se passe.
Ah, les Ozarks. Souvenez-vous la série Netflix, Ozark, qui nous plongeait dans ce coin des Etats-Unis, mais n’était pas exactement une invitation à s’y installer. Ce livre d’Eli Cranor n’est pas des plus engageants non plus. On a vite fait de se dire que l’herbe est certainement plus verte ailleurs et qu’y vivre n’est peut-être pas pour tout le monde. Les citadins s’en trouveront peut-être confortés dans leurs choix de vie.
Le résumé annonce bien la couleur. Chiens des Ozarks est une brutale plongée dans l’Amérique rurale et Eli Cranor ne prend pas de pincettes pour narrer son histoire. Il mélange tous les ingrédients qui forcément détonnent : Ku Klux Klan, misère sociale, violence, méthamphétamine, stress post-traumatique, trafique d’êtres humains, romance, prostitution et inceste. Autant dire, si vous ne l’aviez pas encore compris, qu’il n’est pas question ici du feel good book de l’année. Tous ces ingrédients mélangés donnent un mélodrame familiale qui fait couler autant de larmes que de sang.
Eli Cranor ne bouscule pas les codes du roman noir rural à l’américaine mais s’en arroge avec une certaine efficacité. Il n’esquive pas non plus quelques poncifs. Point de dépaysement ni de révolution du genre, néanmoins la recette est tout à fait maîtrisée. Inspiré par un double homicide qui a véritablement eu lieu dans sa ville natale, il fait tout de même le choix de la fiction pour tenter de nous raconter, à sa manière, une certaine réalité et ses conséquences au travers d’une galerie de personnages bien abimés. C’est peu de dire que ça n’est pas exactement l’espoir qui habite ces pages et les êtres qui les peuplent.
Chiens des Ozarks est un roman noir bien rude, à l’écriture fluide et efficace. Il coche toutes les cases pour satisfaire les amateurs du genre. Son auteur, Eli Cranor, va probablement devenir un nom qui vous sera rapidement familier s’il continue sur cette voie.
Brother Jo.
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