Sur un contrefort élevé des Appalaches se tient une étrange demeure, curiosité de verre et d’acier, que chacun, dans le petit village d’Old Buckram, prétend maudite. C’est ici que vivent les Aster.
Il y a le père, Henry Senior, intellectuel autodidacte, homme de lettres révolté dans une contrée hostile aux bibliophiles. La mère, Eleonore, femme insoumise et lumineuse, qui partage ses journées entre la contemplation de la nature environnante et l’élevage de pur-sang. La cadette, Threnody, adorable fillette affublée d’un prénom imprononçable tiré d’un poème de son père. Et, au milieu, se tient Henry Junior, petit garçon sensible et attentif, qui passe le plus clair de son temps caché dans la bibliothèque, à regarder, fasciné, la figure paternelle noircir, jour et nuit, les feuillets qui composeront le roman de sa vie. 
Des années plus tard, Henry Junior n’a qu’une idée : quitter Old Buckram. Fuir pour devenir un homme ; fuir les montagnes et ce silence intranquille qui le ronge ; et, surtout, fuir pour tenter de comprendre ce qui a poussé son père, un matin, à abandonner les siens, en emportant avec lui son mystérieux manuscrit… 

Yaak Valley, Montana de Smith henserson en 2016, Le Sympathisant de Viet Thanh Nguyen l’an dernier et Les jours de Silence de Philip Lewis cette année, tous les ans à la même époque, Belfond sort un grand voire un très grand roman américain au nez et à la barbe des éditeurs spécialisés du marché.

A chaque fois aussi la couverture est un peu naze mais qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Un titre français discutable donnant une impression de roman niais, avec un cheval  provoquant très faussement une image de nature writing, de la soupe pour bobos parisiens ou du romantisme de grande surface… mais dès que vous commencez la lecture, vous êtes surpris par le niveau d’ écriture du monsieur et très tôt vient la conviction jamais démentie que vous tenez là un grand roman.

Roman d’initiation, d’apprentissage pas particulièrement spectaculaire ni original dans ses péripéties mais grand dans les non-dits, dans l’émotion, dans la tendresse, l’humanité,  “les jours de silence” raconte la peine, l’immense tristesse d’un père, son effondrement puis sa fuite. Le livre est vite submergé par le malheur, l’incompréhension, la mélancolie, le sentiment de trahison éprouvés par ceux qui restent qui, finalement, eux aussi, reproduiront mais dans une moindre mesure, des petites fuites mesquines, honteuses. MAIS, il respire aussi une immense tendresse, un amour non feint de l’autre avec une plume brillantissime clamant aussi à de multiples mesures un amour incommensurable des livres, de la littérature, des grands prosateurs américains, au sein d’un propos souvent tempéré par un humour très, très fin. On sent, on flaire, on suspecte le vécu dans certaines anecdotes racontées et de fait, le roman est en partie autobiographique

 La fiction, cette autre réalité que l’on veut souffler au lecteur, n’aura jamais la force du vécu qui lui confère le cachet de l’authenticité, des sentiments éprouvés dans la chair puis racontés avec le cœur; une beauté, une honnêteté, une humilité très identifiables et respectables.

Tout comme le brillant “Little America” de Henry Bromell aux thème et style assez similaires dans la grande qualité et criminellement passé inaperçu, “les jours de silence” est le contraire d’un roman à la mode, d’un roman tapageur mais il possède un charme fou, intemporel et fait partie de ces romans rares que vous n’oublierez pas si jamais en plus votre trajectoire personnelle, votre histoire est interpellée, réveillée douloureusement … par l’histoire racontée par Phillip Lewis.

Grande classe.

Wollanup.